La nuit avait été rudement courte. Le réveil à tic-tac se déclencha pour faire sursauter la jeune fille, les cheveux ébouriffés. La jeune fille se redressa, ramenant la couverture douillette sur sa poitrine nue. Elle jeta un coup d’œil de l'autre côté du lit, vide mais ne s'inquiéta pas. Elle profita quelques instants de ce moment de chaleur et de sécurité entre les draps pour quitter le lit vers les toilettes, pressée. Où suis-je ? Les paupières encore lourdes et noircies par son maquillage, elle ramassa ensuite ses affaires et ouvrit les rideaux. Le soleil éblouissant lui caressa le visage mais le spectacle de cette petite tour branlante au milieu de Londres sorcier la laissa indifférente. C'était dommage qu'il ne neigeait pas. Elle avait toujours détesté le soleil éblouissant, préférant à cela la luminosité de la neige et le plaisir de rentrer se réchauffer après un coup de froid. Ses souvenirs de petite fille dansaient dans sa tête, un nostalgie du bon vieux temps auquel elle se sentait totalement étrangère aujourd'hui. Son sourire se dessina seulement lorsque le monsieur de sa nuit, armé d'un plateau petit-déjeuner, entra dans la pièce en caleçon. Vu son état de la veille, elle avait tout de même su garder dans ses griffes un homme séduisant. Ce dernier déposa le plateau sur le lit et vint l'embrasser tendrement sur la bouche. Shukar joua le jeu, bien qu'elle ne pensait qu'à une douche - l'odeur de la cigarette incrustée dans ses cheveux oblige - puis à quitter les lieux, à jamais. Trop de romantisme, trop d'attache dans cette pièce close. Des choses qui lui donnaient plutôt la nausée, à moins que ça ne soit les verres de trop de la veille. Je suis désolée, mais je ne déjeune jamais ... Horrible mensonge, elle adore déjeuner, tant que ce n'est pas avec un homme niais ! Mais voulant prouver sa bonne foi, elle avala tout de même une gorgée de jus d'orange. Il fallait le garder encore un peu, pour pouvoir emprunter sa salle de bain ... Ça te dit prendre une douche ? Le jeune homme haussa les épaules et baissa son caleçon en guise de réponse.
Peut-être pensez-vous qu'elle n'a pas de cœur à utiliser les gens. Ne vous inquiétez pas, la jeune femme prend toujours le soin de ne pas laisser de cœur brisé. Des hyper mensonges, des absurdités, n'ayez crainte, ça met du baume au cœur ! Aucun homme n'est vraiment triste de la voir partir. Il a eu son compte dans l'affaire. C'était du gagnant-gagnante, même si Shukar avoue qu'elle est souvent la plus gagnante des deux. Disons, que ça lui permet de ne pas dormir dans la rue comme supplément ...

La douche coula longtemps et un deuxième réveil se déclencha pour signaler qu'il était l'heure de se rendre au travail. Shukar enfila sa veste et monta sur ses escarpins roses pétasses. Une poignée de poudre de cheminette en main, elle s'éclaircit la voix et ferma les yeux. Le voyage par cheminée lui donnait toujours la nausée. Inutile de lui proposer d'apprendre à transplaner. Dès qu'elle a su qu'elle pourrait perdre des membres pour le voyage, elle avait décidé que jamais elle ne tenterait l'aventure ... Shukar ne comprenait pas toujours pourquoi les sorciers se facilitaient la vie pour tout et n'importe quoi. Elle prenait plaisir à marcher dans les rues de la capitale, habituellement. Mais il était vrai qu'aujourd'hui, elle était légèrement en retard pour commencer une petite balade matinale, surtout pour le dernier jour de sa première semaine de boulot. Bonjour Monsieur Kanzler ! La jeune fille passa derrière le comptoir et déposa ses affaires dans le vestiaire. Ce n'était pas encore un geste mécanique, et la jeune femme prendrait légèrement peur si elle se mettait à en avoir l'habitude. Ça voudra dire qu'il serait temps de partir. Venant tout juste d'arriver, elle se permettait encore de faire les choses toujours de manière différente. Aujourd'hui, elle se servit un verre d'eau et sortit de son sac une banane qu'elle avait eu le temps de glisser de la corbeille à fruits à son sac. Elle réarrangea ses cheveux et ses vêtements, sans oublier de clipser son petit badge, avec écrit dessus Liv en lettres majuscules, sa fausse identité du moment. De toute façon, de par son maquillage, elle était totalement méconnaissable pour ses connaissances. Elle avait de la chance que dans son actuel poste, elle allait rencontrer plus de touristes sorciers qu'autre chose. Après tout, qui visitait les musées de sa propre ville, de nos jours ?!
Elle revêtait une robe violette satinée, avec des coutures dorées, qui dessinait son corps à sa taille et à ses fesses. Ses cheveux étaient attachés en une tresse africaine qui collait à son crâne. Ses yeux étaient étouffés par un maquillage démonstratif de ses talents de peintre, à elle aussi. A chaque pas, ses talons claquaient contre le sol sans suivre le rythme de la musique légère qui faisait l'ambiance générale du musée. On aurait dit qu'elle faisait son possible pour ressembler à une œuvre d'art. Mais tant qu'elle cultivait le mystère, elle avait l'impression de faire partie de ce monde, d'en être un détail un tout petit peu insignifiant ...

Après quatre jours d'observation de la guide actuelle, et après avoir étudié les pièces de collection à commenter, la jeune fille s'était sentie prête à donner elle-même les visites; une facilité d'adaptation qui lui avait valu certains commentaires admiratifs. Eux ignoraient qu'elle adorait l'histoire de la magie, et qu'elle s'était déjà adaptée à un tas de situations inimaginables pour une jeune fille de son âge. Après avoir grandi aux côtés d'une soeur attirant les catastrophes, après avoir appris qu'elle était une sorcière et qu'un monde magique cohabitait avec elle depuis le début, après le décès de son père et après le retour des mangemorts, elle avait voyagé quelques mois dans divers pays lointains, s'était fondue dans la masse d'anglais en revenant et s'adaptait tous les soirs pour avoir un toit où dormir ... Ce n'était pas un petit groupe de touristes qui gobaient tout ce qu'on leur dictait et quelques peintures, sculptures et autres objets magiques qui allaient lui faire perdre ses moyens ...
La visite du musée avait le don de nourrir la curiosité des gens, de capter l'attention des adultes et même parfois des enfants. Mais c'était plutôt éprouvant, tant de marcher avec ces hauts talons sublimes et douloureux, que de parler beaucoup. Shukar apprécia sa pause à midi, qu'elle passa seule en tête à tête avec son sandwich. Elle n'avait pas l'habitude de parler autant. Assise à l'ombre du bâtiment, sur les marches, la jeune fille ignorait les gens qui la regardaient en chuchotant. Elle avait cette faculté de ne jamais faire attention de ce que pensent les gens, de les ignorer totalement ou de leur répondre en oubliant ses manières. Perdue dans ses pensées, il lui restait encore un peu de temps avant de retourner à son gagne-pain. Mais elle se sentait bien, ici. Elle avait l'impression d'être importante, intelligente et écoutée, d'être sur le devant de la scène sans empêcher les artistes de se produire. Mais juste là, elle était juste une fille qui mériterait un Oscar. Elle était également la fille qui regardait sa pomme rouler jusqu'au bas des escaliers, immangeable.

Le mal de crâne qui lui encerclait la tête était un rappel permanent, une sorte de petite voix qui lui disait « voilà ce qui arrive quand tu planches jusqu'à pas d'heures sur ton travail ! Tu es en congé ! » Mais malgré tout, Joan se força à se glisser hors des draps et repoussa les chutes de tissu qui traînaient au pied de son lit. Il jeta un regard à la commande qu'il avait finalement terminé à quatre heures cinquante deux ce matin. Ça n'en valait peut-être pas le coup, mais il était fier de lui, fier de la qualité des coutures, de la coupe …
Il déplia la commande pour la voir à la lumière du jour. Il avait vraiment fais un bon travail ; et cela le mit de bonne humeur pour au moins une semaine.
Il alluma d'un coup de baguette sa radio qu'il avait traficotée pour qu'elle diffuse les ondes moldues. Ce n'était pas de sa faute si le jeune homme préférait les idoles pop moldues actuelles plutôt que les chanteuses désuètes que passaient les ondes sorcières. ( Il y avait bien des exceptions dans la musique sorcière, mais ce n'était pas ses préférés.) Tout en préparant son petit déjeuner bien britannique et faisant chauffer l'eau de son thé, le jeune homme se perdit dans ses pensées : comment employer sa journée de congé ?
Mâchonnant distraitement son toast, le brun réalisa qu'il ne quittait quasiment jamais le périmètre de la boutique de Madame Guipure. Son travail, ses passes-temps, ses amis, le gardaient principalement dans ce quartier, sans qu'il ne cherche à aller voir plus loin – de toute façon, en temps normal, il n'avait pas le temps. Sauf qu'aujourd'hui, il l'avait, ce temps !
Son planning était tout trouvé. Saddler sauta dans un de ses pantacourts en jean qui lui allait à la perfection, une chemise noire à manche courte dont il laissa les premiers boutons ouverts, et enfin, ses habituelles bottes noires. Il passa rapidement ses mains dans ses cheveux en guise de coiffure, jetant un coup d’œil dans le miroir. Satisfait de ce qu'il y vit, il prit de qui lui servait de « sac à main », et vérifia qu'il avait bien l'essentiel : bourse avec gallions, mornilles et noises, mais surtout, son carnet indispensable en cas d'éclair de génie. Le couturier glissa sa dernière réalisation dans sa housse de transport, profitant de cette sortie pour la déposer à la boutique ( quoi, il pensait encore à son travail ? Que voulez vous, on est passionné ou on ne l'est pas …) .

Ça lui changeait de marcher, lui qui était plutôt adepte du transplanage. Finalement, il allait peut-être se mettre à la marche plus souvent, c'était plutôt agréable, d'autant qu'il faisait beau aujourd'hui. Joan se hâta de faire un détour par la boutique, afin d'y déposer la commande, et il y resta une petite demi-heure pour filer un coup de main à sa patronne. Enfin une demie-heure avant qu'elle ne le mette à la porte : « c'est ton jour de congé, Saddler, tu ne dois pas travailler ! »
Contraint, Joan laissa Madame Guipure s'occuper de la boutique avant qu'elle ne lui mette des coups de balais aux fesses.
Il était encore tôt, le brun avait le temps de visiter chaque boutique, glaner des idées par-ci par là ; en plus simple, prendre son temps . C'est plutôt gaiement qu'il arpenta le chemin de traverse et ces nombreuses boutiques.
Lorsque le soleil atteignit son zénith, ou presque, Joan était arrivé au pied du Muséum National de l’Évolution Magique. En y réfléchissant, il n'y avait jamais mis les pieds depuis qu'il habitait dans le monde magique. Incroyable. Peut-être qu'il y ferait un tour cet après-midi, après tout. Il devait y avoir moyen de s'inspirer des classiques sorciers et de les remettre au goût de jour. Le vintage, c'est très tendance.
Il s'avança vers les marches, qui à cette heure servaient autant de marches que de sièges, se préparant à s'asseoir. Avec le passage des gens devant ses yeux, c'était l'endroit idéal pour trouver de nouvelles idées pour sa – future – collection, qu'il préparait avec presque trop de zèle. Joan commença à sortir son carnet et sa plume, grimpant les escaliers, avant de s'arrêter : il avait bien failli écraser une pauvre pomme. Il se baissa pour la ramasser tant qu'elle était encore intacte, et releva les yeux, au cas où quelqu'un réclamera ladite pomme. A moins qu'elle ne soit vraiment plus mangeable.

La jeune fille dégustait son sandwich lentement. Elle avait faim mais se perdait dans ses pensées à chaque bouchée, observant les gens et le cadre un peu naturel qui entouraient le musée. Des groupes se rassemblaient pour prendre leur repas. Certains enfants buvaient leur brique de jus de fruit à la paille. Shukar laissa échapper un sourire quand elle se dit Tiens, ce n'est pas moldu, ça ? et elle se crispa rapidement afin de revenir dans son rôle de Liv. Un coup d'oeil à gauche, un coup d'oeil à droite. La jeune fille fit un faux mouvement qui élança sa pomme à descendre les marches. Impossible de la rattraper, évidemment. Elle faillit ne pas y prêter attention, mais un jeune homme la ramassa. Elle l'observa une demi-seconde pour se rendre compte de son identité. Le jeune homme n'était pas difficile à reconnaître, bien qu'il n'avait pas ôté sa toute dernière création. Shukar l'interpella, sans grande surprise. Elle n'allait pas laisser passer l'occasion de montrer sa dernière tenue ... Elle était sûre qu'il aimerait, moyennement. Merci, bon prince. Vous avez sauvé mon dessert. Et elle l'invita d'un signe de main à l'approcher, lissant ses vêtements pour faire partir les miettes qui s'étaient égarées entre les plis. Mince sourire, toujours avec ce brin d'audace qui lui était propre. Encore fallait-il qu'il la perce à jour, sous sa couche de maquillage ... Ce n'était pas quelque chose qui serait gagné, mais elle était prête à jouer cette rencontre en tant que sa fausse identité. Après tout, ce repère à mangermorts était plutôt dangereux que pour ébruiter son véritable nom. Les marches du Musée n'étaient pas le lieu le plus sûr pour discuter à propos de leurs projets d'avenir - bien que, pour Shukar, son avenir était loin d'être tracé.

Que puis-je faire pour vous remercier ? Elle jeta un coup d’œil à sa montre, pour évaluer le temps qui lui restait avant de se remettre au travail, mais tout allait bien. Elle avait encore une vingtaine de minutes pour avaler le reste de son dagobert et faire une petite promenade accompagnée dans les environs pour discuter, plus personnellement. La jeune fille posa un doigt sur ses lèvres avant qu'il ne dise quoi que ça soit, et s'empara de la main du jeune homme et descendit les marches pour faire un tour dans les jardins du musée, là où personne parmi le personnel ne marchait vraiment. Hors de portée de voix des troupes amassées aux portes, Shukar lui lâcha la main et continua sa marche à rythme plus lent. Je suis désolée, mais cet endroit n'est pas sûr, alors j'y tiens éloigné mes amis. Elle remit quelques mèches de cheveux derrière ses oreilles et referma son dîner sans soupir. Elle n'avait plus faim. Elle n'avait pas non plus envie de devoir se vider en vitesse la bouche toutes les deux minutes, pour avoir une conversation normale.

La jeune fille oubliait peut-être de se présenter de nouveau. Mais si le jeune homme était observateur, et la comptait réellement comme une styliste douée, il reconnaîtrait son style de créations en un rien de temps. Et puis, ce ne serait pas amusant, s'il ne devait pas se creuser un peu la tête, avant de recevoir la réponse ! Comme ça, ça t'arrives de quitter ton périmètre de travail. Je l'ignorais ! Comment vas-tu ? Elle affichait un petit sourire espiègle, heureuse de le rencontrer dans ce genre de circonstances, mais également autour du mystère Liv. Il ne connaissait pas forcément les facettes de Shukar, hormis celle de sa fibre créative en matière de mode. Ses masques derrière lesquels elle se cache pour vivre paisiblement son existence originelle ... Ils n'apportaient que des protections supplémentaires pour la jeune fille un peu trop fragile dans le rude monde des adultes. Avec toutes les qualités et tous les défauts que cela impliquaient, évidemment.

Pauvre petite pomme avait retrouvé sa propriétaire, grâce aux incroyables réflexes de Joan, le héros du jour ! Bon, peut-être pas, il avait seulement ramassé le dessert de la brunette quelques marches plus haut, pas de quoi en faire une scène, malheureusement. Il grimpa à grandes enjambées et désinvolture les marches qui les séparaient. En se rapprochant, elle lui disait quelque chose, cette brune. Pourtant, impossible de mettre le doigt sur son identité : quelle frustration, surtout qu'ordinairement, il savait reconnaître les gens assez facilement ! En tout cas, la voix de la jeune femme résonnait de manière familière à ses oreilles. Qui sait, c'était peut-être juste une impression, on croise souvent des gens qui nous font penser à nos connaissances, non ?

Il balaya d'un vague geste de la main tout les compliments et remerciements, ce n'était pas grand chose. « Aucun problème, évidemment. » Ses lèvres s'étirèrent en un léger sourire, lui tendant le fruit, toujours perturbé par cette impression qui flottait. Le vouvoiement, de plus, le troublait encore plus – rare était les gens qui le vouvoyait, à part les clients évidemment. « Oh, rien du – – » mais il n'eut pas de le temps de finir sa phrase, ou même d'y penser, que la jeune fille le faisait taire d'un simple geste, et l'emmenait par la main plus loin. Il n'avait même pas eu le temps de formuler son désaccord, s'il n'avait pas été d'accord évidemment.
Et en la regardant marcher devant lui, Joan se dit que cette démarche lui disait bel et bien quelque chose, et ce style aussi. Cela faisait trop pour une simple coïncidence. Fouillant dans sa mémoire, il fit l'inventaire – si on pouvait dire – des personnes qu'il connaissait, les comparant à la demoiselle. Elle avait finalement lâché sa main, et lui avait enfin réussi à mettre un nom sur ce visage transformé – avec talent, il fallait se l'avouer. Mais quand on mets visiblement autant de volonté à vouloir être différente, ce n'est peut-être pas pour qu'on le crie sur tout les toits. D'où l'endroit éloigné, donc.
Le mot « ami » le conforta dans son hypothèse. C'était donc bel et bien quelqu'un qu'il connaissait, et le couturier ne connaissait pas mille et une brunette qu'il considérait comme une amie. Il avait été plutôt long à trouver, quand même, ce qui était le but recherché, ça ne faisait aucun doute.

Il laissa échapper un rire discret. « Je suis exclu de la boutique aujourd'hui, je n'ai pas le droit de travailler... ! » Ou en tout cas, c'est comme ça qu'il le vivait. A l'entendre, cela sonnait plus comme une punition qu'un jour de repos. Le brun croisa les bras et haussa un sourcil. Il n'aurait pas pensé croiser Shukar ici, mais il n'avait aucune idée d'où les gens pouvaient aller d'en leur temps libre. « Je vais bien, merci. Mais qu'est-ce que tu fais ici, si l'endroit n'est « pas sûr » ? » Oh, le naïf, inquiet même. C'est vrai, si c'est dangereux pour ses amis, ça doit l'être pour la jeune fille aussi, il n'y a pas de raisons. Il posa alors un regard soucieux sur la brune. « Et je dois te féliciter pour ton talent d'artiste, au passage, tu es méconnaissable. » Son regard divagua sur les jardins, endroit qu'il n'avait jamais vu auparavant, et particulièrement tranquille. Tant mieux, c'était bien plus agréable que les marches bruyantes envahies de touristes.

La jeune femme grimmée était plutôt fière de son coup face à Joan. Non seulement elle avait mis au point son maquillage, mais également ses vêtements. Et que de plus démonstratif que de défiler devant lui, sans qu'il ne se rende compte de son identité, dans un premier temps. Et là, elle se promenait joyeusement dans le jardin, sans en faire trop. Si on l'observait par la fenêtre, elle devait être aussi rigide que pouvait être Liv. Et c'est pour cette raison que Shukar ne lui avait pas fait une démonstration de joie habituelle. Néanmoins, elle ne pouvait pas s'arrêter de sourire, heureuse de voir le couturier un peu hors de son boulot. Madame Guipure avait raison, il devait prendre l'air de temps à autre, et changer d'occupation. Bien que Shukar se doutait qu'en venant au Museum, il était seulement venu chercher de l'inspiration ... pour ses créations. M'enfin, c'était déjà mieux ça que rien du tout. On finirait par le traiter comme un esclave de travail s'il ne prenait pas congé, de temps à autre ! Elle éclata d'un petit rire discret devant tant de passion - on pouvait le dire, c'était de la passion. Et ça te fait pas du bien de sortir un peu ? Un tout petit peu ? La jeune fille voulait juste qu'il l'admette, qu'être hors de son travail, ça lui changeait un peu les idées. Maintenant, ça n'était qu'une taquinerie, comme elle avait l'habitude d'en faire.

Cet endroit, elle l'affectionnait tout particulièrement. Pas pour le cadre, car elle ne se promenait jamais dans ces jardins. Pas pour les gens, non plus, car côtoyer des touristes était devenu d'un ennui à ses yeux. C'était bien pour le contenu du Museum. Sculptures, peintures, écrits, couture, et j'en passe. Car la connaissance et la culture recelaient de partout. Shukar n'avait pas été une fière serdaigle pour rien. Elle était intelligente, elle aimait se cultiver et elle pouvait passer des heures, non dans des livres, mais dans des expositions, sur des reportages télévisés, dans les musées, et j'en passe. A sa question, la jeune fille lui exhiba son badge, avec écrit en gros imprimé Liv. J'y ai décroché un poste de guide, ici. Mais on m'a dit que c'était un lieu de rencontres pour certains mangemorts influents ... Maintenant, comme on dit, au plus près du danger, au mieux protégé. Ce n'était pas vraiment un proverbe, mais elle n'en avait pas réellement besoin non plus. Wallace, elle pouvait le sentir, était quelqu'un de dangereux, mais il l'appréciait. Et tant qu'il apprécierait son rôle et le mystère autour de sa personne, elle n'avait rien à craindre. Sans compter Asterdre qui l'avait prise en affection sans vraiment la connaître. Et les personnes qu'elle ne cessait de rencontrer au cours de ses visites l'appréciaient. Pour son train de vie intéressant, pour sa maturité, pour son intelligence à apprécier le passé. Cet environnement lui plaisait davantage de jour en jour.

Elle afficha un mince sourire quand il la félicita, essayant de garder sa fierté en elle même si on pouvait la voir en transpirer de tous les côtés. Merci. Ça me touche venant de toi ! Alors, il en est où TON magasin ? Je dois bientôt faire du shopping, si je veux tenir mon rôle. Elle voyageait en réalité avec un sac à main. Qui contenait tous ses vêtements, toutes ses chaussures et tout son maquillage. Pour ça, elle aimait la magie. Nomade, quelle était la meilleure solution que d'avoir une garde-robe au poids plume portable dans son sac, toujours à portée de main ? Elle jeta un coup d’œil sur l'entrée, légèrement paranoïaque sur les bords, mais essaya de conserver son naturel. Elle cueillit une fleur pour humer son parfum, parfum qui se révélait être inexistant. C'était un peu une triste nature. Elle tourna la tête vers son ami qui faisait beaucoup pour elle sans qu'il ne s'en rende compte. Si on la regardait, on pouvait imaginer Shukar comme une femme qui sait ce qu'elle veut. Or, elle était juste totalement indécise et n'avait aucune confiance en elle. Joan, il était là pour lui souffler les paroles parfaites pour qu'elle prenne confiance, petit à petit. Et parfois, elle aurait voulu lui rendre la pareille, parce qu'elle n'en faisait pas assez. Parce qu'elle avait toujours l'impression qu'elle utilisait les gens, et qu'elle détestait cette facette-là d'elle. Alors, tu as besoin de rien maintenant que tu sais que c'est moi ? Elle lui adressa un petit sourire. C'était tout ce qu'elle pouvait faire pour le moment, elle était en service bientôt, mais c'était déjà ça.

Joan se laissa aller à un simple rire, glissant ses mains dans les poches de son pantalon. Bon, certes, il était parfois extrême dans sa relation au travail, il se l'avouait, mais il était passionné (et le mot était faible.) Heureusement qu'il y avait des gens pour le sortir et l'empêcher de bosser, sinon, croyez-moi, il y serait encore. Il haussa les épaules « Vraiment qu'un tout petit peu, alors ! » Quand même, il ne fallait pas croire qu'il pouvait se passer de son boulot plus de cinq minutes ! « Mais c'est vrai que c'est agréable une fois de temps en temps. » avoua-t-il à moitié. Mais il ne fallait pas pousser, il n'en dirait pas plus.

Tout en laissant son regard vagabonder le long des jardins, il écoutait l'explication de Shukar. Il avait beau comprendre ce qu'elle voulait dire , au fond, il était quand même soucieux pour son amie. Il arqua un sourcil, peu convaincu, mais il garda ses réserves pour lui. Shukar avait l'air de quelqu'un qui savait ce qu'elle faisait, et il lui faisait confiance pour ça.

Il ne réfréna pas un sourire en voyant la jeune femme si fière d'elle-même. Et elle avait raison! Joan ne complimentait pas à la légère sur des choses aussi importantes que le style d'une personne. Les faux compliments, ça n'amenait qu'à des fautes de goûts qui lui donnait envie de s'arracher les yeux. Et personne ne veux ça. « Mon magasin ? Laisse moi encore quelques mois, et peut-être que tu pourras venir t'habiller chez moi. Et je réserverais peut-être une place spéciale pour ta collection? » Il imaginait déjà la boutique Saddler, avec un coin spécial pour la collection "Bheng". Peut-être plus que quelques mois, cependant. C'était un projet qui lui tenait particulièrement à cœur, et Joan préférait s'assurer des bases solides avant d'ouvrir sa propre boutique. Cela faisait un bon moment qu'il mettait des gallions de côté, et qu'il empilait les croquis dans un carnet spécial , réservé à ses projets personnels . Peu nombreux étaient les gens à qu'il montrerai ledit projet, mais s'il y avait bien une personne à qu'il pouvait en parler, c'était bien Shukar. A ce propos, il sorti son carnet , dans lequel il avait attaché des anciennes feuilles volantes, de son sac avec précaution. « A moins que tu me trouves un local … Plaisanteries à part, je peux cependant te montrer des croquis plus approfondis sur ma potentielle collection. Je pensais te demander ton avis, d'ailleurs. » Il savait que la jeune femme était toujours de très bon conseil (même si parfois cela lui arriver de ronchonner, il finissait souvent par l'écouter.); les regards extérieurs bien choisis sont toujours utiles. Le brun lui tendit l'assemblage de parchemins qu'il considérait presque comme un trésor, avec l'air aussi solennel que s'il lui confiait un document d'état confidentiel.

Spoiler:

Ils ont des collections fabuleuses dans la salle 6, en tout cas. Tu te retrouveras vite du tissus plein les yeux, tu verras ! Parler avec Joan était risqué pour lui, mais qu'est-ce que ça lui faisait du bien. Toute en tension, elle pouvait évacuer. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, faire la comédie était éreintant, c'était parfois frustrant et parfois très mental, aussi. Elle devait se rappeler de toutes les informations qu'elle avait déjà données à propos de Liv. Et elle ne devait pas entrer en contradiction avec ces dernières. Son histoire devait tenir la route, sa personne devait transpirer la sincérité. Et c'était surtout l'improvisation qui requérait de la prudence. Le costume et le maquillage, c'étaient les éléments bonus, les éléments amusants sur lesquels Shukar prenait réellement plaisir à mettre en place. Quand on lui parlait robe et couture, elle avait ses goûts, arrêtés et souvent discutés. Sa manière de s'habiller était étrange pour beaucoup, mais personnelle, ce qui la rendait - de son point de vue - unique en son genre. Malgré tout, elle pensait que derrière son apparence, il n'y avait pas grand chose. Elle était triste, comme fille, elle était creuse de l'intérieur et elle n'avait pas beaucoup à apporter aux gens. Elle avait un amour limité, elle ne pouvait donner parce qu'elle n'avait pas assez reçu selon elle. Si son père était resté en vie quelques trente années de plus, elle aurait été différente, plus douce, plus concernée par le monde. Mais comme la vie avait été une salope sur ce coup, elle se contentait de n'être qu'une salope en contrepartie. Avec ses moments d'ouverture à autrui, avec ses proches qui comptaient tout de même à ses yeux. Et elle n'oubliait certainement pas les absents. Papa, Sara, Maman ... Au fond d'elle-même, elle s'était avoué qu'en étant loin des deux derniers, elle conservait la vie de son père. Pour elle, parfois, il était à la maison, qu'elle avait simplement quitté pour son indépendance. C'était moche de mentir, même à soi-même. Mais c'était une carapace de mensonges dont elle était formée, comme le personnage de Liv. Elle se protégeait des attaques extérieures, tout simplement, ignorant que pendant ce temps là, elle attaquait Shukar, en la laissant tomber dans l'oubli.

Elle était intelligente, elle était mature. Peut-être dans sa manière d'être, mais certainement pas dans sa manières de penser, qui était profondément bête. Elle évitait les problèmes jusqu'à ce qui lui tombent dessus. Elle fuyait, elle devait apprendre à être courageuse. Car elle ne pourrait pas fuir toute une vie, si on pouvait appeler ça une vie. Elle n'avait pas de rêve, pas d'espoir, pas d'envie particulière. Elle ne voulait pas mourir, même si elle pensait souvent à abréger ses souffrances. Elle n'était qu'un oiseau en deuil après tout ... Mais quand on lui parle de sa propre collection, d'une place au sein d'un magasin de mode, les braises d'espoir, même noires, fument encore et se ravivent. Un léger souffle fait briller la surface, mais il faudra s'y reprendre à plusieurs fois, et lui donner du petit bois pour qu'elle s'allume totalement. J'en suis pas capable, Joan ... Et elle cherchait à nouveau une échappatoire, quelque chose qui la laisserait libre et ouverte. Même si l'idée devait germer dans un coin de sa tête, elle ne se sentait pas capable de travailler ses costumes à plein temps, à sortir une collection entière, à avoir son nom de famille, d'origine moldue, affichée un peu partout. Qu'on voit son visage, qu'on puisse la reconnaître. Elle n'était pas du genre à s'afficher, bien qu'elle l'avait toujours souhaité. Pas dans ce contexte, pas dans cette vie. Un local, tu dis ? Je peux essayer de t'aider avec ça ... Je connais pas mal de monde avec mes petits boulots. Ils ont peut-être quelque chose à proposer, de classe bien sûr ! En attendant, fais-moi voir ça ! Elle attrapa sa Bible à lui, la manipulant avec précaution, tenant fermement les parchemins pour qu'aucun ne s'envole en un coup de vent. Viens par ici, il y a un kiosque, on aura un peu la paix. Elle tourna à l'angle du bâtiment et jeta un œil devant elle bien qu'elle trépignant d'impatience à l'idée de feuilleter ses trésors. L'endroit était désert car cette partie était, pour le moment, fermée au public pour cause de refonte. Réaménagement du jardin de derrière, pour faire un labyrinthe, si elle avait bien compris. En tout cas, le personnel pouvait encore y accéder. Joan était doué, elle approuvait totalement son style. Elle s'assit sur un banc, lequel on aurait pu se demander si c'était une œuvres d'art ou un réel banc utile. Elle fit tourner les pages, remplissant ses yeux de rêves. Elle était partagée ... Elle voulait définitivement avoir sa propre collection bien qu'elle doutait encore de ses capacités. Est-ce que la population aimerait porter ce qu'elle porte ? Elle en doutait, et elle ne savait pas non plus si elle avait envie de partager son style. Bref, elle devait méditer là-dessus. Un vrai coup de cœur pour cette robe-ci. Asymétrique mais simple, j'adore, et le rose est magnifique. Tu as dessiné des corsets ? Et elle tournait les pages avec ardeur, cherchant des corsets, parce que c'était son vêtement du moment, avec Liv comme couverture ... Mon avis, c'est que t'as trop de talent ! T'as gardé le meilleur pour ta boutique, quoi !

Le regard de Joan s'éclaira d’intérêt. Shukar savait bien comment piquer sa curiosité, décidément. Il nota dans un coin de sa tête qu'il se devait de visiter la salle 6. Le jeune homme avait certes pleins de nouvelles idées – il essayait de se constituer une collection diverse mais impressionnante et inédite pour sa boutique – mais un détour pour s'inspirer n'était jamais mauvais. Il était presque surexcité à l'idée que son projet, qui lui tenait à cœur depuis si longtemps, puisse enfin devenir concret. Ça ne serait peut-être pas la rigolade tout les jours de tenir une boutique (il en avait un aperçu avec Madame Guipure) et devoir créer plusieurs fois la même pièce, comme une usine, mais c'était un rêve qu'il touchait du bout des doigts, et Joan n'allait pas laisser les obstacles l'en dissuader. « J'irais jeter un œil alors, si tu me le recommandes, ça doit vraiment en valoir la peine. »

Il secoua la tête, s'il y avait bien quelqu'un dont il pensait capable, c'était Shukar. Optimiste comme toujours, le brun continuait de croire que Shukar avait toute les capacités pour être une excellente créatrice. « Je suis sûr que si, pour ma part. On pourra toujours collaborer, si tu préfères.» Joan eu un sourire. Certes, il n'allait sûrement pas lui faire changer d'avis aujourd'hui, mais il plantait des germes d'idées, poussait la jeune femme à réaliser ce qui pouvait lui plaire. Joan serait patient, mais il voyait vraiment en elle un potentiel endormi. « C'est vrai ? Tu es ma sauveuse. » Joan suivit la brune, en songeant aux piles de journaux entassés chez lui, aux petites annonces de locaux entourés. Il fallait trouver un équilibre entre assez spacieux, bien situé et pas trop cher, et la perle rare était encore loin d'être trouvée. Mais il pouvait compter sur les relations de Shukar, c'était un plus. Le jeune adulte s'assit à côté d'elle, sur ce banc presque aussi prestigieux et travaillé que le reste des œuvres du Musée, guettant les réactions de la jeune fille, presque nerveusement. Joan attendait le verdict, croisant les doigts.
Il se redressa, ravi du commentaire de Shukar. Son visage s'illumina d'un sourire – soulagé et ravi. « Elle te plaît ? Tant mieux, je pensais à toi en la dessinant. Je ne l'ai pas encore réaliser, mais ça devrait bientôt. Je pensais peut-être la faire aussi en d'autres tons, tu vois ? »
Des corsets ? Joan réfléchit légèrement, feuilletant rapidement le carnet. Il avait le vague souvenir d'avoir envisager un corset, mais sans vouloir trop s'avancer avant d'avoir d'autres opinions. Il rougit sous le compliment de Shukar, affichant la page de l'unique corset qu'il avait dessiné pour l'instant. « Quand même pas « trop » de talent … Mais je n'allais pas donner tout ce que j'avais trop vite, quand même. Voilà pour le corset, je n'ai fais que ça pour l'instant, mais avec ton avis, je peux en faire d'autres, par exemple. »
S'il se concentrait principalement sur le prêt-à-porter féminin, il n'en laissait pas forcément de côté les collections masculines. Mais pour certaines pièces, Shukar s'y connaissait sûrement mieux que lui, pas forcément en terme technique, mais en ce qui est recherché par la clientèle. Avoir un aperçu de ce que recherchait les gens, cela lui permettait d'adapter son originalité à des besoins, et être plus populaire. Mais pour Joan, gagner beaucoup n'était pas la principale motivation. Voir les gens heureux de porter ce qu'il créait, c'était bien plus plaisant.

J'irais jeter un œil alors, si tu me le recommandes, ça doit vraiment en valoir la peine. Elle hocha de la tête avec un sourire. La marque Saddler annonçait beaucoup pour elle, de plus, il y avait une vraie valeur sentimentale derrière certains modèles car elle savait que Joan les avait dessinés pour qu'ils lui collent à la peau. Des détails moindres qu'elle avait conseillés. Des couleurs dont elle était tout simplement fan. Des résultats auxquels elle ne s'attendait tout simplement pas une fois portés.

Shukar n'avait pas vraiment de rêve. Elle était un peu perdue dans le sens auquel elle voulait dévouer sa vie. Elle ne voulait pas choisir car cela signifiait se fermer d'autres portes. Pour le moment, ces petits boulots qu'elle enchaînait lui suffisaient à elle-même. Entrer dans un moule pour quelques mois, ça allait, comparé à rester dans un moule pour une vie. Et bien que la vie de créateur lui aurait plu, elle ne s'imaginait tout simplement pas assez de patience pour dessiner les modèles, assez de créativité pour en dessiner toute sa vie et assez de talent pour en dessiner des originaux. Elle n'avait pas la touche Saddler ... Je suis sûr que si, pour ma part. On pourra toujours collaborer, si tu préfères. Elle secoua la tête, de nouveau. Se battre avec Joan pour si peu n'était pas au goût du jour. Il attendait un peu trop d'elle. Et elle n'était qu'une nulle, même s'il était aveuglé par son bon goût en matière de mode. On verra. Je ne te promets rien. Elle baissa les yeux un instant, dans ses pensées. Et voilà comment refermer une Shukar pleine de motivation à ses débuts. Elle se braque, et elle se protège. C'est vrai ? Tu es ma sauveuse. Elle eut quand même un sourire à l'idée de le voir atteindre son rêve. Ce local, elle le trouverait. Le plus parfait qu'il soit. Elle le voyait déjà installé, disparaissant dans l'arrière boutique, occupant son comptoir avec fierté. Elle trouverait. Rien que pour voir les étincelles dans ses yeux, elle trouverait.

Et au kiosque, en effet, le vent soufflait un peu, mais de l'air chaud. Le soleil brillait, les oiseaux chantaient. Shukar aimait ce petit endroit reclus. Elle te plaît ? Tant mieux, je pensais à toi en la dessinant. Je ne l'ai pas encore réaliser, mais ça devrait bientôt. Je pensais peut-être la faire aussi en d'autres tons, tu vois ? Elle imaginait les différents coloris. Elle les voyait déjà en boutique, avec des vrais gens qui passaient les cintres pour s'arrêter dessus et se prendre un coup de cœur en pleine figure. Une vraie claque. Elle me plaît. Trop. Tu m'en mets déjà une de côté, je la porterai à ton mariage. Elle afficha un sourire un peu changé. Oui, il manquait la fille - à sa connaissance - mais tout cela n'était qu'un détail ! Il faut dire, choisir une robe pour LE mariage du plus grand couturier de son entourage, c'était déjà un pas de géant en avant ... Elle le vit rougir du coin de l’œil et se dit qu'il n'avait pas fini de le faire quand il ouvrira la boutique. Quand même pas « trop » de talent … Mais je n'allais pas donner tout ce que j'avais trop vite, quand même. Voilà pour le corset, je n'ai fais que ça pour l'instant, mais avec ton avis, je peux en faire d'autres, par exemple. Trop de talent, elle maintenait.

Shukar regarda avec attention le corset dessiné. Il était simple, joli, mais trop simple pour elle. Non pas déçue mais justement heureuse de pouvoir enfin aider en donnant quelques conseils, la jeune fille se mit à réfléchir. Écoute, je pense pas avoir le temps là, je vais devoir reprendre les visites bientôt. Mais je te dessinerai quelques idées de croquis et tu piocheras dans ce que tu voudras. Je viendrai les déposer au magasin. D'accord ? Elle se leva et l'invita à faire de même. Continuer leur petit tour du musée à travers les jardins leur permettait de discuter encore un peu. Mais une fois à l'intérieur, Shukar ne voulait pas être assimilée à Joan. Non pas qu'elle en avait honte, elle aurait justement eu grand plaisir à lui montrer quelques œuvres d'art qu'elle trouvait exceptionnelles, et inspirantes, mais qu'elle ne voulait pas le mettre en danger par sa faute. Elle ne voulait pas qu'ils fassent le lien entre lui et elle. Parce qu'elle n'existait pas vraiment sous sa fausse identité, et qu'elle pourrait disparaître en un clin d’œil dans la foule. Lui tendait à être connu et reconnu. Elle serra les dents. Je fais des visites de groupe, mais il existe aussi des visites sans accompagnement. Il y a beaucoup de blabla, beaucoup trucs que les touristes aiment bien parce qu'ils connaissent, donc je te conseille de faire ton petit tour rapidement vers ce qui t'intéresse. Parle pas trop au personnel du musée, par contre, certains sont mauvais. Elle sauta soudainement dans ses bras pour le serrer fort, ça ne dura que deux secondes. Merci d'être venu à l'improviste, en tout cas. Tu sais pas comment tu m'aides. Elle semblait un peu égarée sur le moment, puis ferma les yeux, respira fort et rouvrit les yeux en avançant. Fais attention à toi, surtout. La salle 6 t'attend ! Et je passerai chez Madame Guipure, un de ces jours. Hop, et on se remet dans la peau de Liv pour recommencer les visites devant ces têtes blondes impatientes. Mais au fond, elle aimait quand même un peu ça. Le musée, c'est la connaissance, le savoir. L'environnement, c'est le danger. Les gens, ce sont des rencontres. Elle pompait ce qu'elle pouvait de cette expérience, avant qu'elle y mette fin ...

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