« N'est-il pas agréable de se promener en une belle journée d'été ? Le parfum des fleurs, le bruissement du vent dans les feuilles vertes, les piaillements des oiseaux. Toutes ces petites choses que les plus chanceux d'entre nous aurons le temps d'apprécier pour cause de vacances plus ou moins méritées. Dans la catégorie du « moins », on englobera les élèves d'une certaine école de sorcellerie qui toute l'année durant n'ont pas fait grand-chose sinon développer leur goût de la procrastination en se persuadant qu'ils auraient le temps de travailler plus tard... Ne nous étonnons pas du niveau intellectuel lamentable de la nouvelle génération.

Mais au diable les reproches. Maintenant que les salles de classe sont pour eux un souvenir lointain, à quoi sert de les blâmer. Alors plutôt que de pester, je voudrais faire passer un message. Un hymne à la tolérance à travers la présentation d'un élève de cette école qui vit dans la honte et le refoulement.

Un soir, alors que le calme s'installait dans les couloirs ancestraux de Poudlard, une scène peu usuelle attira mon attention. Deux élèves, deux garçons, se tenant par la main alors qu'ils croyaient se trouver à l'abri des regards indiscrets. Un geste amical pensez-vous... C'est que l'on pourrait croire si par la suite il ne m'avait pas été donné de voir ces mêmes jeunes personnes s'embrasser fougueusement. Quel moment d'émotion. Instant de grâce où l'esprit et le raisonnement s'effacent pour laisser place à la passion...
Qui étaient-ils vous demandez-vous. Dans la pénombre je n'ai hélas pu identifier le visage que de l'un d'entre eux. Quel sera votre étonnement quand vous apprendrez que l'un de ces amoureux transis n'est autre qu'un coureur de jupons hors pair, un collectionneur de conquêtes féminines, un Don Juan des temps modernes ! Eh oui, il s'agissait d'un certain Lucas Drifloon, élève de dernière année et membre de la prestigieuse maison de Salazar Serpentard.
Une chose alerte alors notre esprit. Pourquoi ce garçon inexorablement attiré par la gent masculine joue-t-il sur les deux terrains ? Pourquoi se cacher aux yeux de tous alors que la vérité ne fait aucun doute ? Une réponse simple à toutes ces interrogations : la peur du regard des autres. De nombreuses études scientifiques ont prouvé que plutôt que d'avouer leur homosexualité, bon nombre de jeunes hommes préféraient se réfugier dans cette image de tombeur qui, ils l'espèrent, cacheront la vraie nature de leurs sentiments. Et pourtant, si l'on y regarde à deux fois, il y a des signes qui ne trompent pas. Ces regards timides au beau garçon qui se trouve en face de lui, alors que le blondinet serrait dans ses bras une minette peu farouche. Ce sourire en coin à ce professeur séduisant alors qu'il lisait en cachette un mot doux de sa belle d'un jour. A quoi bon lutter encore et toujours alors que l'on sait au fond pertinemment quel bord est le notre. Car il l’a reconnu lui-même, ce n’était pas la première fois qu’il tombait sous le charme d’un jeune homme. Il ne s’est d’ailleurs pas contenté d’amours platoniques, si vous voyez-ce que je veux dire… Ouvrez grand les yeux, il se passe beaucoup de choses non loin de vous. Mais gardons les détails croustillants de ces amourettes pour une prochaine fois.

La rencontre de ce Serpentard aux mœurs trop libertines tend à faire penser qu’il pourrait être bon de ne pas juger ces jeunes qui se sentent mal dans leur peau. Pour ce garçon et tant d'autres. Pour qu'il ait la chance de s'épanouir, de se débarrasser de sa peur d'avouer au monde que oui, il aime les hommes. Pour que demain, Lucas Drifloon puisse marcher dans la rue main dans la main avec celui qu'il se cache pour embrasser. Alors quand ce jour arrivera, dans un avenir que j'ose espérer proche, je suis certaine qu'il vous remerciera de cette ouverture d'esprit qui est toute à votre honneur...
Et surtout, il se dit qu’il est très à la mode d’avoir un ami gay ! »

« Qui ne rêverait pas de ne vivre qu'en vacances ? Douce période de sérénité où le travail et les pénibles responsabilités nous semblent si lointains. Moment de calme bien mérité après de longs mois d'efforts. Instant de répit durant lequel il nous est donné le plaisir simple de ne penser à rien sinon au cocktail que l'on boira ce soir ou encore au maillot de bain que l'on choisira pour le lendemain matin, lorsque l'on se lèvera à 10 heures dans l'optique de flemmarder le reste de la journée sur la plage.

Hélas, le glas de la rentrée résonne à présent, signifiant que ces quelques semaines estivales touchent à leur fin. Mais plutôt que de s’apitoyer sur son sort et de retourner à reculons dans son bureau ou autres lieu de travail, pensons à ceux qui contrairement à nous n'ont pas eu la chance de sortir le nez de leurs préoccupations. Imaginons ces journalistes qui tout l'été se sont démené pour vous garder informer, ces humbles travailleurs qui ont fait de vos vacances une réussite, ce ministère qui n'a pas chaumé... Quoi que tous les autres ne déméritent pas, loin de là, ce même ministère est sans doute l'organe qui aujourd'hui mérite le plus notre reconnaissance. Fonctionnaires, simple secrétaire ou haut placé, qui travaillent sans relâche pour le bien de tout le monde magique. Il est bien dommage que la relève ne coule pas de source...

Quelques années auparavant, trouver de jeunes gens qualifiés et pleins de bonne volonté aurait été d'une évidence folle mais il semblerait que les choses aient bien changé. Ces jolies têtes blondes qui en ce début septembre retrouveront les bancs de Poudlard semblent sur la pente raide du déclin intellectuel. Occupée à leur faire apprendre des sorts tous plus intérêts les uns que les autres, la direction semble avoir oublié qu'entre ses mains se trouve l'avenir. Que de la politique qu'elle adoptera découleront maintes conséquences. Dites-le-vous bien, si nous connaissons aujourd'hui la prospérité, il n'en sera sans doute pas de même d'ici quelques années quand le flambeau sera passé à la jeune génération. Ce monde tranquille risque d'être géré - ou dans le cas présent, de ne pas l'être - par l'incompétence à l'état pur. Tout ceci pour faire un simple constat : une réforme en profondeur de l'enseignement semble dès aujourd'hui indispensable. Les moldus invoqueraient l'esprit de Charlemagne, prétendu saint fondateur de leur école moderne, quand nous autres sorciers devons en appeler aux esprits des créateurs de nos quatre maisons préférées mais dont l'avenir se présente comme moins flamboyant que jamais... »

« Je compte sur votre mémoire pour vous rappeler un article datant de quelques semaines déjà. Je jure que vous vous souvenez de ce Lucas Driflon, pauvre jeune homme qui vivait dans l'éternel refus de son homosexualité. Enfin... « vivait »... Il serait sans doute plus judicieux d'utiliser un présent. Cet ancien Serpentard dans les bras d'une jolie jeune fille répondant au doux prénom de Meredith : vu ! Mais diable, ce n'est pourtant pas ces petits mots doux et pseudo déclarations dégoulinantes d'un romantisme écœurant qui parviendront à détourner la réalité. Je suis à vrai dire assez vexée que malgré cette belle ode à la tolérance que j'avais écrit en ayant à l'esprit ce que devait être l'horrible quotidien de notre Lucas, il n'ait toujours pas décidé de se prendre en main et d'arrêter de nier la réalité... Pensez donc à cette pauvre Meredith qui bien assez tôt découvrira qu'elle a donné son cœur au mauvais garçon, incapable de l'aimer en retour pour une simple et bonne raison que tout le monde connaît à présent.
Mais laissons-les donc à leur amourette qui au moins, aura sans doute de mérite de rester platonique.

Car ils ne sont pas les seuls à faire des cachotteries ! Même si le printemps n'est pas encore là, la saison des amours reprend. En exclusivité, une petite liste loin d'être exhaustive de toutes les affaires de cœurs -pour rester polie, car croyez bien que tout n'est pas affaire de sentiments- qui se trament du côté de Poudlard. Au détour d'un coin de Pré-au-Lard, après d'être balancé quelques méchancetés au visage pour faire bonne figure -il paraît en effet qu'il est mal vu pour une noble Serpentard de traîner avec ces incapables de Poufsouffle- la pétillante Swan Delucca a été vu main dans la main avec cette brunette de Danni Bowen-Lloyd.
Mais ce n'est pas tout. Aperçus : deux élèves jouant au chat et à la souris entre les rangés de livres de la bibliothèque. Il se murmurerait qu'il s'agirait d'une demoiselle Burgess qui courait après un certain Sherry-quelque-chose. Et on dit que ce temple des ouvrages d'un haut niveau intellectuel ne recelait que des Serdaigles sérieux et ennuyeux à souhait ? Mais c'est vrai qu'avec ce cher professeur Sullivan comme exemple, les élèves ne sont pas gâtés... Frigide dit-on ? J'aimerai pourtant bien savoir ce qui se passe dans son bureau une fois les cours finis. Entre cela et d'autres petites histoires qui ne tarderons pas à être révélées au grand jour, je vous épargne les coucheries de miss Happens qui commencent à lasser tout le monde. Bruns, blonds et roux, il serait tout de même amusant de tenir les comptes.

Bref, vous l'aurez compris, alors que le froid revient, beaucoup préfèrent rester sous la couette. Ou ailleurs, du moment qu'il n'y a pas loin quelqu'un pour les réchauffer. »

« Loin de moi l'idée de critiquer mes chers confrères journalistes travaillant pour le compte de mensuels et hebdomadaires en tous genres, mais tout de même... La mauvaise influence de certaines lectures est absolument flagrante et, au nom de la conscience professionnelle, je me dois dénoncer ceci. Le rôle de la presse n'est-il pas d'informer, de participer à développer un certain esprit critique plutôt que de tenter de formater, modifiant à tout va la réalité comme le fait à tour de bras ce cher monsieur Lovegood, propriétaire, principal -et seul!- actionnaire, ainsi que rédacteur unique de cette monstruosité qu'est le chicaneur ? Attention : à l'instant même où vous me lisez, il se pourrait bien qu'une petite créature volante et vêtue d'une cape d'invisibilité soit en train de vous voler vos chaussettes ! Pitoyable n'est ce pas ? Et pourtant c'est ce que cet étrange brave homme tente de vous faire croire quand il n'essaye pas de vous convaincre que les Ronflaks cornus sont en phase de renverser le ministère grâce à un coup d’État imminent.

Pour confirmer l'influence catastrophique que peut avoir ce mensuel sur des lecteurs peu avertis et facilement manipulables, il suffit de croiser, ne serait-ce que très furtivement, cette pauvre Luna Lovegood, complètement pervertie par les idées de son indigne de père. Cette jeune Serdaigle pleine d'imagination et, dit-on de bonne volonté, est hélas persuadée de vivre sur une autre planète, au milieu de créatures imaginaires avec qui elle semble mieux s'entendre qu'avec le reste du genre humain. Nul doute que si elle avait bénéficié d'une meilleure éducation, cette sympathique petite blonde pourrait s'intégrer un peu mieux à cette société qui la regarde de travers. Mais peut-on réellement blâmer ceux qui la dévisagent quand elle prétend communiquer avec des êtres venus d'une autre dimension ? Sans doute pas car après tout, il doit être relativement perturbant de tomber sur cette élève qui en plus d'une décennie d'existence n'a pas encore appris à lacer ses chaussures, ni même à les enfiler correctement.

Et si tous les adeptes du Chicaneur ne sont pas dans un état si proche de la démence, il n'en reste pas moins qu'il vaudrait mieux rester vigilant. Un bon conseil si vous êtes parents : surveillez les lectures de vos progénitures. Car même les jeunes gens les plus sérieux et sains d'esprit qui soient pourraient se trouver contaminés par les stupidités qui sont présentes dans ce journal, supposant même que ce tissu d’immondices soit digne d'être qualifié ainsi.
Regardez par exemple la cadette de la famille Warren : Lily. Brillante élève, ses camarades ont cependant remarqué quelques changements significatifs dans son comportement, depuis qu'elle a eu la mauvaise idée de troquer son livre d'histoire de la magie pour les exemplaires peu recommandables des créations lovegoodiennes. Elle aurait été aperçue en pleine nuit, en haut de la tour d'astronomie, invoquant un esprit imaginaire. Lorsque ses amis lui ont demandé ce que diable elle pouvait faire ici à une heure telle, la rouquine leur aurait simplement expliqué qu'elle tentait de capter les ondes positives que lui envoyaient des elfes invisibles afin de réussir son contrôle du lendemain... Vous en restez dubitatifs ? C'est tout à fait normal. Surtout quand on sait dans quelle merveilleuse famille cette jeune fille à grandit. Des parents aimants, attentifs, et surtout, un frère sur qui elle peut compter. Simple vendeur de glaces, il n'en reste pas moins homme charmant, galant et ayant un esprit très subtil. Il est sans doute une des rares preuves vivantes qui nous font garder un brin d'espoir en cette génération qu'on croit pourtant en pleine décadence et dont on dit parfois que la stupidité n'a d'égal que la perversité. Il est de temps en temps bon de savoir que nos a prioris sont erronés.

Mais revenons en à ce qui nous intéresse. L'éducation irréprochable et la stabilité de la situation familiale de Lily prouvent bel et bien une chose : cette presse de gouttière est capable de corrompre les esprits les plus purs !
Vous aurez compris l'essentiel : si la censure n'a légalement plus lieu d'être, il serait parfois bon de la remettre en place, ne serait-ce que dans le but de sauver la jeunesse d'un avilissement certain. »

« Quoique la vie sexuelle de notre cher ministre nous ait un temps diverti, on finit tous par se lasser de ses histoires de coucheries au manque d'originalité soporifique. Nous l'avons bien compris : la secrétaire au bonnet C est une espèce très en vogue au ministère. Tout cela est d'un ennui...
Mais La Gazette du Sorcier possède ce jour la preuve que toute cette flagrante perversité cache en réalité bien des choses. Derrière des « réunions de travail » desquels s'échappaient souvent des bruits suspects, Philéas Folengrain essayait en réalité de faire passer inaperçue des entrevues qui, si ce qui s'y disait était révélé au grand jour, causeraient un scandale au retentissement incroyable. Les hommes politiques nous cachent des choses alors que nous autres, bons citoyens, avons le droit de savoir. Sur ces zones d'ombre qui nous concernent tous, la lumière doit être faite. Et c'est ce que la Gazette, qui vient tout juste d'obtenir cette information choquante, compte bien faire aujourd'hui.
« Tremblez je suis Celui-Qui-Sait ». Il est aujourd'hui temps d'arrêter de prendre cette menace au sérieux. Car si jusqu'à maintenant son petit numéro qui se basait sur la peur fonctionnait, c'est tout simplement qu'il avait derrière lui un appui de taille : le ministre en personne. Les soupçons sont aujourd'hui des faits : celui qui prétend être le maître des ragots paraissait intouchable uniquement car il bénéficiait de la protection de l'homme le plus haut placé du monde magique anglais. Si ses agissements odieux ont pu ainsi durer, c'est que le pouvoir n'a tout simplement pas souhaité l'arrêté. Les faits sont là : notre cher Philéas a reçu hier, dans son bureau, «Celui-qui-sait ». Et à ses dires, c'était loin d'être la première fois. Ils seraient même des connaissances de longue date. Cela explique sans doute sa volonté de protéger son vieux complice, de lui permettre d'étaler et de se moquer ouvertement de notre vie privée. Et on ne doute pas qu'en échange d'un total laissé faire, quelques petites calomnies discréditant ses ennemis aient été publié au moment opportun. Appelons cela un simple petit service rendu.

Alors il est à présent temps de dévoiler la vérité. Il est malheureusement impossible de vous décrire avec exactitude l'apparence de « Celui-qui-sait » car elle change à volonté. Femme aux cheveux blonds un jour, jeune homme au port de tête altier le suivant, il peut se métamorphoser à volonté. C'est pourquoi il a jusqu'alors été si difficile de le démasquer -outre le fait qu'il soit couvert par le pouvoir politique, mais nous reviendrons sur ce point plus tard-. Cependant, nous pouvons noter un détail qui, malgré les changements de visages, ne s'efface pas. Dans son cou se trouve une bien vilaine cicatrice que ni le temps ni la magie ne parviennent à effacer. Se rappelle-t-il comment celle-ci lui a été faite ? Rien n'est moins sûr. Quel dommage qu'il ait la mémoire qui flanche. Car oui, il semble que la métamorphose ait pour prix la perte d'une partie de ses souvenirs. On aurait pourtant apprécié qu'il nous raconte sa misérable et triste vie, le récit de ces terribles aventures qui l'ont poussé à devenir celui qu'il est, ou plutôt qu'il était. Car oui, on peut supposer qu'une personne aussi faible que lui, incapable de se montrer sous son vrai visage et se réfugiant derrière un ministre dont l'incompétence est flagrante, se cachera toujours derrière de lamentables excuses pour justifier sa conduite infâme. Maman serait bien déçu par ce comportement : heureusement que tu serais incapable de la reconnaître...

A présent, si vous avez des réclamations à faire, des plaintes à déposer concernant des informations à propos de votre vie privée qui vous auraient été dérobées, je vous conseille d'adresser un courrier à Monsieur Folengrain. Mettez un peu de parfum féminin sur l'enveloppe et elle sera sûrement très vite ouverte. »