Exclusif :

L'identité de Celui-qui-Sait révélée !

« Notre reporter, Rita Skeeter, a trouvé aujourd'hui une réponse à la question qui hantait le Monde Magique depuis maintenant des décennies : qui est donc Celui-qui-Sait ? Découvrez notre enquête exclusive page... »

L'homme reposa le journal sur la table du café.
Il était entouré de journaux. Aucun visage, si ce n'est celui qui tapissait la une de la Gazette du Sorcier. Pensivement, il touilla avec patience la tasse de thé face à lui, reposant les yeux sur l'article.

« ... différentes hypothèses avaient été formées au cours des années : Celui-qui-Sait serait-il un fantôme ? Une créature humanoïde inconnue à ce jour ? Serait-il le porteur d'un titre légué de père en fils ? S'agirait-il tout simplement d'un très vieil homme aux aptitudes magiques remarquables ?
Rien de tout cela. Rita Skeeter, journaliste avisée, a mené l'enquête. »

L'homme sauta paresseusement les quelques lignes des prétendus exploits journalistiques de Rita Skeeter.

« ... Elle découvrit que Celui-qui-Sait, en effet, rencontrait régulièrement — et dans le plus grand secret — le Ministre de la Magie en personne. Notre reporter a ainsi pu assister, dissimulée, à ces meetings aux intentions peu claires, qui ressemblaient davantage à un duel d'ego qu'à une discussion à de réelles fins politiques. Il est fort probable qu'ils avaient toutefois pour but de conclure des marchés servant leurs intérêts personnels et politiques, notamment des échanges d'informations. Notre reporter découvrit alors, pour la première fois, le véritable visage de Celui-qui-Sait : un homme d'une cinquantaine d'année aux cheveux blanchâtres, droit, sérieux, calme — un sorcier tout ce qu'il y a de plus commun. Elle ne s'attendait cependant pas à découvrir un secret encore plus grand... »

Quelques inutiles descriptions de lieu. Quelques inutiles compliments à Rita Skeeter. Quelques inutiles précisions flatteuses sur le Ministre.

« ... La conversation entre Monsieur le Ministre et Celui-qui-Sait tournait principalement autour de celui qui réussirait à faire tomber le premier en disgrâce — chacun se vantant d'en être capable, évidemment. Monsieur le Ministre objecta alors qu'il lui était aisé de signaler à l'un de ses hommes, situé à l'extérieur, que l'homme en sa compagnie était dangereux, et qu'il aurait bien du mal à sortir du Ministère sans au moins se faire remarquer.
C'est alors que l'incroyable se produisit. Les cheveux, le visage, les mains de Celui-qui-Sait ne devinrent que fumée — qu'une vapeur grisâtre, agglomérée dans une forme vague, avant de, finalement, reprendre forme humaine.
Une forme d'une vingtaine d'années, brune, plus petite, plus fine, traversée d'un sourire arrogant. Une forme différente. Chose que Monsieur le Ministre sembla trouver tout à fait naturelle. Il s'en moqua, même : une caractéristique semblait en effet lui permettre d'identifier Celui-qui-Sait parmi toutes ses transformations — selon lui une cicatrice, au milieu du dos, dont il semblait l'auteur. Cependant, comment y aurait-il eu accès ? ... »

L'homme plia le journal une seconde fois, dépassé. Il pinça vaguement les lèvres, faisant tourner la tasse de thé entre ses doigts, alors que tout autour de lui il ne croisait que le clin d'œil imprimé de Rita Skeeter. Il souleva plusieurs pages où il ne devinait du coin de l’œil que d'autres ragots et spéculations inutiles. Il manifesta, toutefois, un intérêt soudain pour le tout dernier article, encadré sur la dernière page du dossier.

« ... Celui-qui-Sait n'est-il donc ni plus ni moins qu'un habile métamorphomage aux ambitions élevées ? Les experts nous répondent non. Cette découverte ne met pas seulement en évidence ses relations avec le Ministre, mais également la nature elle-même étrange de sa personne. Nous avons en effet interrogé plusieurs sorciers spécialisés dans les aptitudes sorcières, qui nous ont expliqué que le processus de métamorphomagie n'avait strictement rien à voir avec celui décrit par Rita Skeeter. Il s'agirait davantage d'une capacité qui était jusqu'alors considérée comme éteinte, plus puissante mais également plus néfaste que la métamorphomagie : son posseseur, en échange d'une capacité à changer à volonté d'âge, d'apparence et de sexe quasi instantanément, troque en échange une partie de ses souvenirs — jusqu'à l'amnésie totale. Il semblerait donc plus approprié de dire que Celui-qui-Sait n'a pas d'âge, pas d'apparence et pas d'histoire : Celui-qui-Sait n'est plus un sorcier à part entière, mais une ombre polyvalente, cataloguant des faits et des informations à défaut de se souvenir de ceux le concernant. »
...
« Conclusion de ce dossier sur Celui-qui-Sait : un sorcier particulier — peut-être même plus tout à fait sorcier —, mégalomane et indigne de confiance, prétendant se battre pour la vérité mais ne dévoilant cependant pas celle sur son identité. Celui-qui-Sait ne serait donc qu'un colporteur de ragots égaré : n'oubliez pas que la seule source de vérité en qui vous pouvez avoir confiance est la Gazette du Sorcier. »

« Monsieur » trancha poliment un serveur, « voici l'addition. »
L'homme referma une dernière fois le journal, considérant d'un air nébuleux le chiffre sur le papier. Glissant quelques gallions directement dans la main du serveur, il lui glissa d'un ton calme :
« Ce type — ce Celui-qui-Sait, au fond, vous en pensez quoi ?
— Oh, Monsieur, je ne sais pas trop. Le journal a certainement raison, mais il me fait quand même assez peur.
— Même si tout le monde nous répète tout le temps qu'il ne dit que des mensonges ?
— Je ne sais pas, Monsieur. Peut-être qu'ils disent ça juste parce qu'ils ne veulent pas qu'on l'écoute, non ?
— Peut-être, en effet. Je vous remercie. »

L'homme se détacha légèrement de son siège, un sourire paisible sur les lèvres. Alors qu'il traversait le Chemin de Traverse, il se gratta machinalement le dos, sentant la cicatrice rouler sous ses doigts.