Ma très chère sœur,

Malgré mes intentions, j'ai choisi de t'envoyer une simple lettre plutôt qu'une beuglante, car j'estime — j'espère — que ce sera suffisant, quoique tu puisses être d'une bêtise têtue et vaguement abrutissante.
N'écris plus. C'est aussi simple que ça.
Je ne veux plus jamais reconnaître ton écriture sur la moindre lettre, et j'ai brûlé toutes celles que tu avais déjà envoyées. Comment faut-il que je te le dise ? Je ne veux plus de toi dans ma vie, ni de près, ni de loin. Je veux que tu disparaisse, de la surface de la Terre s'il le faut, mais au moins disparais de ma vie. N'écris plus à Théodore, et encore moins à moi. Tu ne mérites pas le temps que je suis en train de te consacrer et rien ne m'agace plus que d'avoir à rédiger cette lettre parce qu'une idiote de petite fille s'accroche comme l'imbécile qu'elle est. Tu ne mérites pas mon attention.

Théodore m'a raconté au sujet de votre "rencontre" et il est évident qu'il ne veut pas de toi non plus, te voici donc rassurée. Tu as raison : je me suis mis en colère. Je suis en colère contre toi. Je ne veux plus jamais que tu entres en contact avec qui que ce soit dans l'intention de me parler ou de simplement prendre de mes nouvelles. Et je ne le redirai pas deux fois : n'approche plus jamais de Théodore. Il ne te dira rien à mon sujet, et il est hors de question que je te laisse lui faire ou lui dire quoique ce soit.

Pour ce qui est de moi, et il s'agit là des dernières nouvelles que tu auras jamais, je vais bien, je t'en remercie. Je n'ai besoin de personne, et personne ne "m'enferme" ni ne me force à faire quoique ce soit comme tu sembles si bien le croire ; il ne s'agit là que d'une autre de tes idées pour refuser de voir la vérité en face : je ne simplement veux plus te voir.

Je ne sais même pas pourquoi je me fatigue à t'écrire. Je te préviens qu'il s'agira là de ma dernière lettre, ainsi que de mon dernier avertissement.

A jamais,
Asterdre.
(le nom est souligné trois fois)

Je t'avouerais qu'au début, j'avais prévu de brûler cette lettre et de ne jamais te répondre. Et tu veux savoir pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui je considère que tu ne mérites même pas que je gâche quelques secondes de mon existence pour toi. Mais finalement, j'ai décidé que je valais mieux que ça, que je valais mieux que toi. Je tiens quand même à te dire que je trouve ça vraiment oser de m'envoyer cette lettre après tout ce temps alors que tu as très bien vu que je cherchais à t'éviter. J'aurais sûrement apprécié avoir des explications de ta part à ce moment-là, mais maintenant je m'en fiche, un peu comme de ton existence.

Alors oui, que tu m'écrives est osé. Mais que tu m'écrives pour me dire que tu ne te souviens pas des raisons qui t'ont poussé à me laisser. Sérieusement Electre, tu te fous de ma gueule ? Parce que si c'est une blague, je la trouve moyennement drôle. Tu baisses dans mon estime tu sais, mais je te rassure, tu n'étais plus très haut. Je dirais même que tu avais commencé à creuser très profond le jour où tu m'as lâchement abandonné.

Comme tu le dis, je suis quelqu'un de bien donc je vais donc faire l'effort de te rappeler ce qui s'est passé ce soir-là, de te rappeler les raisons qui t'ont poussé à me laisser. Parce que si tu as vraiment oublié, je crois que c'est de mon devoir de te permettre de retrouver tes souvenirs. Mais crois-moi, je ne le fais pas par bonté de cœur, non. Je veux juste que quand tu te regarderas dans un miroir, tu réalises enfin à quel point tu es laide, à quel point tu es un monstre sans intérêt.
Alors dis-moi, tu te rappelles de Peeter, Electre ? Je me doute que non vu que ça fait longtemps que je ne t'ai pas vu traîner autour de Fleury & Bott. Parce qu'au cas où tu l'aurais également oublié, c'est là que je travaille. Enfin bref, parlons de ce fameux soir, celui où tu as préféré mettre un terme à notre relation.
Au départ, tu paraissais normale. Je sais pas si tu t'en rappelles de ça, mais tu m'as demandé de monter à l'étage, de coucher avec toi. À croire qu'il n'y a que ça qui t'intéresse, le sexe. Au cas où tu l'ignores, je tiens à te rappeler que la nymphomanie est une addiction qu'on peut soigner. Je te conseille de prendre rendez-vous à Sainte-Mangouste pour ça. Comme d'habitude, je t'ai dit non. Avec le recul, je me suis demandé si c'est ce qui t'a poussé à mettre fin à notre relation. Est-ce que c'est parce que j'ai toujours refusé tes avances sous prétexte qu'on était sur notre lieu de travail qui te gênait ? Bref, ce n'est pas important. J'ai dit non, et c'est ce qui a précipité les choses. Quelles choses tu te demandes ?
Tu as préféré Peeter à moi. Tu m'as dit l'aimer, tu m'as dit qu'avec lui tu serais mieux. Que tu l'avais embrassé, tu m'as décris toutes ses qualités que je connaissais déjà. Pourquoi ? Parce que tu as choisi mon patron, tu as choisi mon ami. Et puis tu as disparu et je n'ai pas eu de nouvelles pendant des mois.

Et je tiens à mettre les choses au clair Electre. Ce n'est pas le fait que notre relation n'ait pas tenu qui me gêne. Elle semblait vouée à l'échec. Ce n'est pas non plus le fait que tu aies pu avoir des sentiments pour quelqu'un d'autre. Tu ne m'as jamais aimé, je ne t'aimais pas non plus. J'aurais pu. Je me suis même demandé à un moment si ce n'était pas le cas. Et tu sais pourquoi ? Parce que j'ai souffert. Énormément.
Il m'a fallu du temps pour comprendre que la douleur que je ressentais venait du fait que tu m'aies abandonné, comme si j'étais une merde. Pourtant tu le sais Electre. On en a parlé pendant des heures, et je t'avais expliqué les relations que j'entretiens avec ma petite sœur. Tu savais qu'être laissé comme ça, seul au bord d'un chemin, c'est une de mes plus grandes peurs. Mais tu t'en fichais, n'est-ce pas ? Il n'y a que toi qui comptais. Tu as toujours été égoïste, tu n'as pensé qu'à toi. Il n'aurait pas fallu grand chose pourtant. Je ne t'aurais jamais demandé de rester avec moi, j'aurais juste aimé à ce moment-là qu'on continue à être ami. Mais plus maintenant.

Tu as disparu de ma vie Electre. Tu dis que je t'ai fui mais tu l'as fait autant que moi. Et si aujourd'hui tu me demandes les raisons de la rupture, je comprends mieux. Parce que si tu ne t'en rappelles vraiment pas, j'imagine la gêne que tu as dû ressentir à me voyant dépérir dans un coin.
Mais je te rassure, je vais mieux et c'est loin d'être grâce à toi. Non, il se trouve juste que j'ai des amis merveilleux. Meredith est une personne géniale, le genre d'être humain magnifique qui se soucie des gens. Rassures-toi, je ne te dirais pas de prendre exemple sur elle car tu n'y arriveras jamais. Avec toute la volonté du monde, tu ne seras jamais capable de lui arriver à la cheville. C'est en grande partie à elle que je dois le fait d'aller mieux. C'est elle qui m'a expliqué que je n'étais pas seule. Tu vois, la grande différence entre elle et toi, c'est que je n'ai pas à avoir peur qu'elle m'abandonne lâchement.

Pour finir, je tiens à te préciser que non, je ne veux pas redevenir ton ami. Je ne serais plus jamais ton amie Electre, tu me dégoûtes. Parce que tu crois quoi ? Que je vais te pardonner ? Non. Aujourd'hui je m'en fiche de ce qu'il s'est passé mais je ne vois pas pourquoi je ferais le moindre effort pour toi.
Alors permet moi de te dire ce que je pense de toi. Je pense que je mérite au moins ça après ce que tu m'as fait. Tu parles de ton frère dans ta lettre, tu parles toujours de ton frère. Et pas la peine de me mentir, tu n'es pas la seule personne sur terre à avoir de la famille mais tu es celle avec qui c'est le plus malsain. Je ne sais pas si tu t'en rends compte, mais tu es incapable d'aimer quelqu'un d'autre que lui. Parce que je n'étais qu'une tentative ratée, comme Peeter, comme tous les autres. Oui, je suis au courant pour toutes ces soirées où tu vas dans l'espoir d'avoir quelqu'un dans ton lit. Alors je me demande, est-ce que tu ressens au moins de la honte pour ça ? Ou bien, est-ce que tu as conscience de la raison pour lesquelles tu agis comme ça ? Est-ce que tu te rends compte que tous ces hommes avec qui tu couches sont juste là pour combler un manque ? Je suppose que tu as très bien compris où je veux en venir Electre.

Pour moi tu n'es qu'une coquille vide. Tu es incapable d'aimer quelqu'un d'autre que ton frère. Mais lui ne veut pas de toi, et ça te tue. Je sais pour t'avoir écouté parler que tu as souffert de son abandon, et pourtant tu le reproduis. Tu t'en fiches de nous, tu t'en fiches de toute le monde mis à part ta petite personne. Et Ast. Il n'y a que lui qui compte.
Et j'ai une dernière question. Je ne te demande pas de me répondre, je veux juste que tu y réfléchisses. Quand tu couches avec quelqu'un, tu penses à lui ?
Si c'est le cas, je suis bien content d'avoir repoussé toutes tes avances. Je te trouve malsaine Electre.

J'apprécierais que tu ne me recontactes plus. Si on a réussi à s'ignorer ces quelques mois, je vois pas pourquoi on devrait recommencer à se parler sous prétexte que tu as décidé de te souvenir de mon existence.
Je te demanderais aussi d'arrêter de penser à moi.

Charlie.

Ces sonnets de Petrarque sont, je pense, le meilleur moyen de te répondre en cette occasion parait-il si spéciale.

De longs cheveux brillant à rendre l'or jaloux,
Le regard le plus pur, le plus charmant visage
Qui jamais aient fait mettre un mortel à genoux,
Un sourire ineffable, un gracieux langage,
Une main, de beaux bras noblement arrondis
A faire implorer grâce au cœur le plus rebelle,
Un pied fait par l'amour, une femme si belle,
En un mot, qu'il n'est rien de tel au paradis,

PS ; Je suis à ta porte.

Electre, je ne sais pas ce que tu deviens. Je viens presque tous les jours sonner à ta porte tu ne réponds pas. Je m'inquiète. Surtout depuis ce soir où tu m'as quitté après… Tout ce que tu m'as dit et ce que tu as préféré taire après ce baiser… Il faut que l'on en parle, ça devient urgent de crever l’abcès. Notre amitié me manque terriblement.

Viens me voir à la librairie.
Je t'embrasse, Peeter.

Faire semblant, mentir tu dois en avoir l'habitude. Très bien, j'accepte de tenir les apparences pour Clément mais n'espère pas que ça effacera ton comportement odieux et ton caractère de la pire espèce. Je n'en ai poliment rien a faire de tes conseils et encore moins de ton « Cher ». Je ne vois absolument pas ce que tu insinues, mais il n'y a rien que la plus simple amitié entre moi et mon colocataire.

Je ne te souhaite pas une bonne Saint-Valentin, je suis certain que personne sur cette terre ne voudrait passer cette journée avec toi de tout manière.

Va en enfer.
Sincèrement, Anselme.