Je vais probablement le regretter, l'envoyer à la mauvaise personne ou brûler ce parchemin à la minute où je l'aurais écrit parce que j'aurais encore les idées plus ou moins claires pour réaliser que ce que je fais est stupide. Parce que c'est stupide n'est-ce pas de t'écrire cette lettre en sachant que je ferais tout pour oublier l'avoir écrite la minute suivante ? Je. J'sais pas trop comment te dire ça parce que j'me dis encore que c'est une plaisanterie de mon cerveau complètement amoché par l'alcool sorcier. Je me demande encore pourquoi aucune étiquette n'est mise sur les bouteilles avec un 'boire vous fait dire n'importe quoi'. C'est ce que je suis entrain de faire maintenant sans oser y aller jusqu'au bout parce que ça me fout la trouille comme à chaque fois.

Tu dois te demander qui t'écris avec si peu d'élégance pour te dire une chose sans vouloir la dire. Cela veut dire que j'ai les idées encore trop claires et que ça sent pas bon pour moi parce que ça voudra dire que c'est vrai. Enfin je crois. J'ai beaucoup (trop) pensé à toi dernièrement et c'est peut-être ça qui me pousse à t'écrire ce soir parce que j'espère peut-être que cela cessera. J'ai pas l'impression de comprendre la moitié de ce que je te raconte et la moitié de ce que je ne t'ai pas encore dit. Tout comme je ne comprends pas l'intérêt que l'on me porte la plupart du temps. Si je me bataille si souvent avec toi pour un rien c'est que, peut-être, je souhaite attirer ton attention. Mais ton attention est ailleurs, toujours et plus elle est ailleurs, plus nos disputes sont fréquentes. Tu l'as pas remarqué ça toi ? Non. Bien sur que non.

Je vais devenir fou si je ne le dis pas mais sache que je me pose beaucoup de questions dernièrement. Sur tout. Et je n'aime pas. Depuis Poudlard, j'ai eu envie de vivre une vie paisible et tranquille mais surtout sans problèmes. Pas que j'ai des problèmes bien graves même si ... toi t'en es un. Enfin. C'était p'être pas comme ça que j'aurais dû le dire. Parfois, j'ai juste envie de retrouver ma vie d'avant. Même la Tour d'Astronomie me parait moins dangereuse que ce qui se passe dans ma tête. Mais c'est vrai, ça fait trois paragraphes que j'te balance des conneries sur un mec que tu connais pas... même si je pense que tu as déjà deviné qui était cet idiot qui se cache derrière ces mots. La vérité c'est que.

Je crois que je t'aime.

Ô mon cher Peeter,

Je suis vraiment désolée de ne pas t'avoir écrit hier et encore plus de ne pas t'avoir invité chez moi, on aurait pu fait quelques choses avec Hippolyte entre éternels célibataires. En fait, j'avais même fait des courses chez le primeur pour faire un petit repas, mais j'ai reçu dans l'après-midi une horrible lettre de la part d'un bien odieux personnage. Du coup j'ai lâchement décidé de passer une Saint Valentin, avec pour seule compagnie, mon chat, un pot de glace à la vanille et un bon film en noir et blanc. Comme tu le vois, ma vie sentimentale est toujours aussi palpitante.

Cela dit, j'aurai dû au moins vous envoyer une lettre à toi et à Monsieur le grand journaliste pour vous souhaiter une merveilleuse fête en compagnie de charmants jeune homme. Vous êtes des amours et ta lettre m'a redonné le sourire en ce matin ensoleillé. Pour la peine je t'offre une petite boîte de muffins maisons, ce sont tes préférés. N'hésite pas à passer à la maison, d'ailleurs j'ai une colocataire maintenant et surtout profite de ton week-end.

Aussi, je suis navrée de n'avoir rien dit au sujet d'Hippolyte, mais je suis vraiment contente que tu sois au courant désormais, on va pouvoir se mettre en quête du grand amour pour notre cher ami grognon.

Automne M. Pilcher.

Ps : Tu me raconteras tes merveilleuses idées autour d'un thé.

Peeter,

Alors, déjà, je m'excuse pour la forme un peu anarchique de la lettre parce que je crois que je décuve violemment. Toi aussi sans doute. Bref, du coup j'ai vu ta lettre ce matin entre deux dédoublement de mes meubles.

Je sais pas quoi te dire.
Tu me manques. En tant qu'ami, je veux dire, tu me manques.
Je me suis levé ce matin et j'ai réalisé l'étendue des conneries que j'avais faites. A quel point j'ai bu et à quel point ça m'a fait faire des trucs stupides. J'ai envoyé des lettres que j'aurais pas dû envoyer. Et j'ai pas envoyé des lettres que j'aurais dû écrire. (Genre, pour toi.) Et ta lettre... Ta lettre, je sais pas, Peeter, c'est pas moi qui devrait la recevoir. Il y a trop de trucs qui se passent... Pour que ce soit à moi de la recevoir.
Ne te méprends pas : je t'adore, pour tout ce qu'on a fait ensemble. Mais voilà, j'aurais pas dû, je veux dire c'est quand même ma faute, je savais que je devrais pas mais j'étais genre "oh pas grave mon futur moi s'en chargera" et maintenant que je suis le futur moi, je regrette. Je regrette pas tous les moments qu'on a passés, non. C'était, vraiment, quelque chose que j'ai apprécié.
Je regrette que tu m'écrives cette lettre parce que c'est Hippolyte qui devrait recevoir ça, pas moi.
Tu vas pas me mentir à ce sujet, t'es quand même bien avec Hippolyte, et moi je le sais, je le vois très bien. Mais j'ai rien fait, ou plutôt, j'ai fait un truc. Si j'avais pas été là vous auriez peut-être enfin fini par vous embrasser ce soir. C'est con hein ? Haha.
Haha. Ouais. Je crois que moi aussi j'attends une lettre que j'ai pas reçue et que c'est pour ça que je suis méchant et aigri comme ça, tu le mérites pas. Je suis pas sûr d'avoir dessaoulé complètement non plus en fait...
J'suis pas spécialement fier de qui je suis là.
Bref. Je t'adore. T'es génial. Change rien. Sans déc. Mais je pense qu'il faudrait qu'on redevienne amis. Pour ton bien, pas le mien, moi franchement au point où j'en suis...

Bref envoie-moi une beuglante très vite, ok ? Je t'embrasse.
Montag.

Monsieur,

Charlie vous a certainement demandé de m'envoyer la missive que vous m'avez précédemment envoyée. Je n'ai aucune idée de qui vous pouvez être, et de quoi vous parlez. Dites à Charlie que s'il veut jouer à ce jeu-là, je ne suis guère d'humeur.

Je ne connais aucun Peeter, et je commence à en avoir assez qu'on me harcèle avec cela.

E.W.

Excuse-moi pour ma réponse si tardive, pour ne pas avoir pensé moi-même à t'envoyer une lettre, pour ne pas passer aussi régulièrement qu'il le faudrait à la librairie, pour ne plus faire autant de soirée que je le voudrais avec toi et la bande, pour ne pas être l'ami parfait que je devrais être. Automne m'a fait la même réflexion, on n'a pas géré. Passer tous les trois la Saint-Valentin dans notre coin alors qu'on aurait pu se regarder un film, collés sous la couette, c'est pas malin surtout que tous ces couples peuvent dire ce qu'ils veulent, nos soirées sont toujours meilleures que les leurs.

Je m'en veux encore.

Je sais que j'ai fait une erreur en te le cachant, que mon comportement est tout ce qu'il y a de plus impardonnable mais j'espère que tu me pardonneras. Rapidement. Comme tu le dis, meilleurs amis depuis 13 ans, je tiens plus à notre amitié qu'à toutes les autres. Toi aussi tu m'as manqué. Ces trois ans à l'étranger ont beau avoir été une chance extraordinaire pour moi, me réveiller tous les matins en réalisant que je ne pouvais pas passer te voir, toi ou Automne, c'était dur. À des moments, j'avais des coups de déprime, je savais pas quoi faire. J'avais juste envie de rentrer, de passer chez toi pour plus jamais repartir. Parce qu'être ton meilleur ami, c'est la meilleure chose au monde.
Mais voilà, comme je te l'ai dit, j'avais peur. Pas que tu me rejettes, non. J'aurais été stupide de pouvoir envisager un seul instant que tu me tournes le dos pour une chose pareille. Mais j'avais peur, peur que tu m'en veuilles d'avoir autant tardé à te le dire. Donc forcément, je continuais à te le cacher. Tu le vois, le cercle vicieux dans lequel je me suis fourré. Pardonne-moi.
Et même si Philéas a eu la connerie l'idée d'inventer un ministère aussi con, tu sais bien que je démissionnerais jamais. En fait, j'ai beau être gêné, j'ai beau m'en vouloir, je t'oblige à me pardonner. Je veux que tout redevienne comme avant, je veux plus ressentir la moindre gêne quand je suis avec toi, je veux pouvoir plaisanter, t'inviter à manger, échafauder des plans pour embêter Automne, discuter pendant des heures de livres avec toi. Je suis loin d'être le meilleur des amis comme tu le dis, tu l'es.

Je te remercie pour les compliments pour mon article, mais tu sais très bien que je n'ai pas le droit de porter des jugements trop personnels sur le ministre. Mais un jour, j'écrirais un article engagé, défendant réellement une cause pour laquelle j'ai envie de me battre, le genre d'article que toi ou Clément rêve de me voir faire. En échange, je te demanderais le droit de publier l'un des tiens parce que tu es doué.

On se voit bientôt, n'est-ce pas ? En attendant que tu te décides à repasser me voir à la maison, je t'ai envoyé un pain d'épice que j'ai fait ce matin. J'espère qu'il te plaira.

Je t'aime, même si tu es rancunier.
Hippolyte.

PEETER
SURTOUT
Ne TOUCHE PAS à l'autre lettre que je t'ai envoyée, d'accord ?
Ou plutôt si : touche-la pour la prendre et la brûler. Sans l'ouvrir. Jamais ! Même pas par curiosité ! Prends-la et brûle-la sans la lire, sans même tenter de savoir. Je t'en supplie, si tu es mon ami, et surtout si tu veux éviter de me haïr à tout jamais, fais-le.

Si jamais j'ai eu la clairvoyance d'envoyer cette lettre bien trop tard, ou si Gilda la perd en route, ou si, que sais-je, quelque chose fait que tu as déjà lu mon autre lettre...
Ne me hais pas ?
Non si, hais-moi, totalement. J'étais encore bourré finalement et je me suis rendormi juste après ; j'étais persuadé d'avoir rêvé cette lettre, et je viens de capter que, non, c'était pas un rêve. Et j'ai dit des trucs idiots. Que je pensais même pas. Et tu sais quelle drama queen je sais lorsque je suis ivre. Donc tout ça c'est de la connerie. Oublie tout ça, ok ? Complètement ! Ne crois pas un seul mot de ce que j'ai dit !
Et si jamais tu n'as pas ouvert la lettre mais qu'après ce paragraphe ta curiosité a envie de le faire, je réitère : brûle-la sans la lire.

Voilà, hm, tu peux faire ce que tu veux. M'insulter ou que sais-je... Je t'adore toujours, tu le sais hein ?
Allez. Bonne journée surtout.
Je t'embrasse.

Montag.