« Les Gryffondors sont les plus forts ! »
Il est bien incapable de dire précisément combien de fois il a entendu cette fameuse phrase durant la soirée, entre le moment où les bouteilles ont été ouvertes et maintenant, triste instant où tout le monde est en train de comater dans un coin plus ou moins glauque. Cette phrase représente beaucoup et les élèves de la maison en question ont pris l'habitude de la répéter sans raison valable. Il ne fait pas exception à cette règle. Il la crie autant que ses amis à chaque moment opportun. Il supporte, soutient de tout son cœur sa famille d'adoption.

C'est pour cela également qu'il a toujours mis un point d'honneur à animer les soirées, surtout en grandissant. Il boit, comme les autres mais ne se contente pas de rester assis dans son coin. Il se sent obliger de courir partout, faire la navette entre les différents groupes d'élèves pour les faire rire, pour s'assurer qu'ils passent tous une bonne soirée. Parfois, Dean se moque de lui. Parfois il lui dit de se poser et de ne pas bouger. Et alors, Seamus l'écoute. Il reste entouré de ses compagnons de dortoirs puis il repart, plus actif que jamais. C'est à cause de l'alcool. Elle fait effet et même si sa fierté l'empêche de le dire, l'Irlandais a bien conscience à un moment d'avoir trop bu. Le whisky fait effet. Comme maintenant.

Il marche difficilement dans sa salle commune. Il n'est même plus capable de dire pourquoi ils ont décidé de faire une soirée. Mais le résultat est là. Les gens sont éparpillés, endormies ou rentrés dans leurs dortoirs. Il se pose sur le canapé alors que la pièce continue à se vider. Il met la main dans sa poche pour y trouver le courrier qu'il a reçu tout à l'heure. Autant l'ouvrir. Il affiche un air étonné en trouvant une fiole de potion qu'il avale d'une traite. Parce qu'il ne réfléchit pas. Parce qu'il a trop bu. C'est pas bon. Il ne sait même pas pourquoi il a fait ça. Et soudainement, il a soif. Il soupire, grogne en de dirigeant vers la table, vers le pack de bière qui lui fait de l'œil depuis tout à l'heure.

Et là, le choc. Desire. Le petit Gryffondor. Il ne s'était jamais rendu compte qu'il est aussi mignon. Jamais.

— Je... Desire, tu as passé une bonne soirée ?

Et leurs mains se touchent. Et Seamus rougit, comme un jeune garçon qui vient de voir une fille en maillot de bain pour la première fois de sa vie. Il se sent ridicule. Il n'est même pas capable de comprendre sa réaction.

Il faut absolument qu'on lui explique quand le petit Desire est-il devenu aussi mignon, attirant, une perfection parmi tous les hommes présents dans cette foutue école. C'est lorsque leurs mains se touchent qu'il réalise qu'il y a une multitude de choses qui étaient passées inaperçues pour lui au sujet du plus jeune. Il y a ses cheveux. Il n'avait jamais remarqué qu'ils paraissent si doux, si parfait. Il est désormais persuadé qu'ils sont bien loin de la paille que tous ses amis ont sur la tête. Ceux de Desire ressemblent plus à de la soie, du satin, sans parler de leur couleur si sublime par sa banalité, comme si tous les dieux du monde s'étaient réunis pour créer la perfection chez un seul être afin que toute l'humanité fasse la queue afin de pouvoir les toucher un jour. Il y a ses yeux. Ses magnifiques yeux bleu-gris qui lui rappelle tant la couleur de la mer énervée. Ils sont, à l'image de cet élément fort et majestueux, la chose la plus captivante que l'Irlandais n'ait pu voir dans sa vie. Il n'a qu'une envie, c'est de s'y plonger pour ne plus jamais en sortir. Il a presque envie de mourir en le regardant dans les yeux, parce qu'il est persuadé que de cette façon, il aura une belle mort, la dernière chose qu'il aura vue étant sublime. Et puis, sans s'attarder dans les détails, il y a son corps dans son entièreté. Ses lèvres qui appellent à la luxure tant on a envie de les embrasser, ses traits fins qui le rendent mignon et qui donneraient aux plus cruels des pirates l'envie de le protéger en le couvrant de câlins.

Il serait incapable de dire pourquoi, mais il a soudainement très chaud. Sa gorge est sèche, il ne sait pas réellement quoi répondre. Il attrape donc la canette qu'il était venu chercher avant de se plonger dans la contemplation de l'autre Gryffondor. Il l'ouvre, boit une grande gorgée avant de réussir à sourire. Il se sent totalement stupide. Il a peur de ce que Desire pourrait penser de lui. Et s'il ne l'appréciait pas ? Et s'il ne voulait pas lui parler ? Pour la première fois depuis longtemps, il est gêné. Il s’assoit sur la chaise à côté en priant tout ce qu'il connaît – en passant par les bonnets péruviens et marrons glacés – que ça ne dérange pas l'autre.

— Oh oui, c'était génial. C'est sympa les fêtes entre Gryffondors même si c'est fatigant. Il faut mettre l'ambiance, faire attention à ce que tout le monde s'amuse, faire attention à ce que personne ne fasse une déprime dans un coin, et tout. C'est pas si facile en fait, on a des années d'expérience pour ça. C'est Seamus. Quand il ne sait pas quoi dire, quand il a honte comme à ce moment précis, il se met à parler. Il dit tout ce qui lui passe par la tête et ici c'est les devoirs qu'il a lors de ce genre de soirée. Enfin, si on peut appeler courir un devoir. Beaucoup diraient que c'est son moyen à lui de se chercher des responsabilités mais lui est persuadé que veiller à ce que tout le monde passe une bonne soirée est une tâche digne des plus grands chevaliers. Mais tu sais Desire, on te voit jamais danser. C'est bête, je suis sûr que tu danses super bien. Moi, j'aime pas spécialement ça, mais toi tu devrais te forcer un peu, ça te plairait sûrement en bonne compagnie.

C'est à ce moment qu'il se rend compte que la situation est vraiment bizarre. Il ne saurait pas dire pourquoi, peut-être que le fait qu'ils ne se parlent quasiment jamais joue. Il lui sourit, baisse les yeux. Il espère intérieurement que la pénombre de la salle commune cache les rougeurs qui apparaissent sur ses joues – seul inconvénient de ses gênes irlandaises – et ça sans raison apparente bien sûr. Ce serait trop beau si son corps pouvait réagir normalement.