« Psst Faith. Réveille-toi … Youhou ? Faiiiiith. »

Son murmure fébrile déchira la nuit alors qu'elle secouait plus ou moins délicatement son amie. Ses yeux bleus comme une chouette et ronds comme l'azur brillaient dans l'obscurité avec émotion. Elle ne tenait plus sur place, se sentant obligée de se trémousser sur place sans faire de bruit. Du moins, sans trop faire de bruit... on était dans les dortoirs des Serdaigles au milieu de la nuit, et la plupart des élèves dormaient paisiblement, mais pas Sofia. Non, Sofia se tenait à gauche du lit de Faith et la secouait comme on secoue un bananier. Alors forcément cela attira l'attention, et quelques unes des autres filles ouvrirent un œil ou deux, grognant à travers l'obscurité. Qui a dit que les Serdaigles étaient aimables ?

La dénommée leva les yeux au ciel d'un air exaspéré bien que les autres ne puisse pas le voir. Elle se sentait incomprise parfois, même dans sa propre Maison – mais peu importe. Peu importe parce qu'il y en avait toujours pour la soutenir, pour la protéger, pour la faire rire ; peu importe parce que Faith était là, une véritable amie, sur qui elle pouvait compter et qui la comprenait. Oui, Faith était vraiment super, du moins quand elle était réveillée ... Aussi Sofia prit-elle la peine de la secouer de nouveau, avec plus d'énergie cette fois-ci. Enfin les yeux de la blonde s'ouvrirent et en réponse, la brune afficha un large sourire, à la fois complice et énigmatique.

« Faut que je te montre quelque chose. » se contenta-t-elle de souffler, tout son excitation contenue dans ces quelques mots.

C'était fabuleux, incroyable, inimaginable. C'était magique – il fallait que Faith voit ça. Voilà ce qui était passé par la tête de la Serdaigle quelques minutes auparavant et l'avait décidé à réveiller sa camarade. Elle n'avait pas dormi une seule seconde depuis l'heure du couvre-feu, mais ne ressentait pas le moins du monde les effets de la fatigue ; elle était surexcitée, piaffant comme le cheval de tête d'une calèche. Elle n'attendit pas que l'autre se lève ou s'habille et fonça directement en direction des escaliers menant à la salle commune, qui contrastait par son silence et sa froideur. Après un regard circulaire le long du mur de la tour, Sofia retrouva Alonso, qu'elle avait posé sans trop réfléchir avant de monter vers les dortoirs. Pas question de le laisser là sans surveillance toute la nuit.... Elle le prit délicatement dans ses mains et le regarda avec amour en attendant Faith qui ne tarda pas.

« Prête ? » Bien sûr qu'elle était prête. C'en était presque une injure de lui demander cela, mais la jeune fille le fit pour la forme.

Alors Sofia laissa échapper un éclat de rire, de joie et d'excitation, et se glissa à l'extérieur de la salle commune. Le reste du château était plongé dans le noir mais cela ne la gênait plus autant que dans sa jeunesse, lorsqu'elle redoutait de voir apparaître un troll derrière chaque recoin (bien sûr il y avait toujours sa phobie des cabines d'essayage, on ne savait jamais sur quoi on pouvait tomber)... Sa connaissance de Poudlard avait pris le pas sur sa superstition et elle pouvait explorer tous les passages secrets et les salles abandonnées sans crainte. Comment partir à la recherche des Nargoles sinon ? L'école était sienne, et elle se sentait reine en son royaume lorsqu'elle arpentait son dédale de couloirs. Et emmener Faith avec elle était encore plus grisant, alors elle s'amusa à la promener un peu partout pour faire durer le suspens. Mais voilà, le truc avec les plans foireux de Sofia au beau milieu de la nuit... eh bien c'est qu'ils sont foireux.

La voix nasillarde que redoutent tous les élèves et qui s'éleva en effet à cet instant précis :
« ELEVES HORS DES DORTOIRS ! ELEVES HORS DES DORTOIRS ! »

Sursaut de surprise, à laquelle succède rapidement l'effroi. Sofia se mit à s'agiter dans tous les sens, s'arrachant presque les cheveux. Son regard croisa celui de sa camarade et elle se demanda si elle était dans le même état de panique qu'elle. Et Rusard courait maintenant, du moins tentait-il de courir, de sa démarche chaloupée et bancale, sa fidèle Miss Teigne derrière lui. Avec un peu de chance elle se mettrait en travers de son chemin et le ferait tomber... oui, avec beaucoup de chance. Autre solution : se cacher. Il y avait bien ce passage secret non loin, mais Sofia n'était pas sûre de se souvenir du mot de passe, et dans la précipitation elle ne parvenait plus à réfléchir. Était-ce peluche ? Patuche ? Papuche ? Non bien sûr que non. La jeune fille poussa un grognement rageur. A nouveau, elle se tourna vers Faith, l'esprit toujours en ébulition.

« Rusard ! Qu'est-ce qu'on fait ? Faith, qu'est-ce qu'on fait ? On est foutues on est foutues on est foutues ... »