L'objet n'avait rien de dangereux en soi, mais cela n'empêchait Clément de se tenir à plus d'un mètre de la mallette comme si un Epouvantard risquait d'en sortir à tout moment. Posés sur la table, se trouvait aussi de nombreux papier où défilait des slogans prônant un changement de direction de différents ministères du monde magique et encourageaient à ouvrir les yeux. C'était là suffisant pour faire accuser Peeter et le plonger dans de sérieux ennuis si la SEPPOM apprenait ses intentions.
Ce n'était que des mots, mais après les émeutes qui avaient secoué le Ministère, leurs sbires étaient beaucoup plus virulents et agressifs.
Le professeur ignorait comment réagir. Il avait devant lui la preuve que son ami était prêt, qu'il était sincère, mais il était dangereux d'agir dans la précipitation. Cependant, les conséquences seraient encore plus désastreuses si le libraire ne se protégeait pas. Dans le doute, il avait fait la seule chose qui lui semblait sensée et avait envoyé un appel à l'aide à sa rousse préférée. Jodie était celle qui connaissait le mieux Peeter, celle grâce à qui les deux hommes s'étaient rencontrés... Elle saurait.
Un plop sonore se fit entendre et l'ancien Poufsouffle offrit un sourire à la jeune femme.

« Jodie. »

Pour se changer un peu les idées, la jeune femme s’était lancée dans la délicate confection d’un quatre-quart. Au fond, dans un mode magique aussi secouée, au milieu d’une actualité extraordinairement déprimante pour ne pas dire angoissante, le sucre apparaissait comme la solution la plus efficace. C’était une évidence.
Alors qu’elle tentait de rattraper les bouts de coquilles d’œufs tombées dans la pate, Jodie songeait à la personne qui aurait l’immense plaisir de partager le gâteau avec elle… Elle pourrait peut-être l’apporter au quartier général de l’Ordre ? Non. Comme la fois précédente, Lawrence serait capable de l’accuser de tentative d’empoisonnement. Mme Weasley peut-être? Au fond elle était toujours indulgente. Oh. Ou peut-être Peeter. Cela donnerait à la rouquine une occasion de passer le voir à l’improviste, et peut-être même de se faire offrir une tasse de chocolat chaud. Voilà une solution qui paraissait excellente !
C’est donc en songeant à la mine ravie de son ami qu’elle versa la préparation dans le moule –non sans en mettre une bonne partie à côté- et enfourna le tout. Relevant le nez, elle constata par ailleurs qu’un hibou venait de se poser sur le rebord de la fenêtre. Elle s’empressa donc d’attraper le papier qu’il tenait dans le bec et le lu rapidement. Légèrement intriguée par le contenu, elle n’attendit pas plus longtemps et transplana.
Arrivée chez Clément, elle eut pour son ami un grand sourire.

- Salut Clément. Je suis venue tout de suite, par contre je ne peux pas rester longtemps, j’ai un gâteau dans le four.

« Dans ce cas, il se déplaça et lui tendit un des prospectus, je vais entrer dans le vif du sujet. J'aimerai ton avis sur ceci. »

Il ne comptait pas lui dire qui en était l'auteur avant d'avoir son sentiment confirmé : celui qui avait écrit ça partageait leurs opinions mais surtout leur idéologie. Celui qui avait écrit ça était parfait pour l'Ordre. C'était quelque chose d'important qui était sur le point de se jouer ici, et pour le moment la rousse ignorait que c'était ses paroles qui conduiraient Clément à confronter Peeter le lendemain et à l'inviter à rejoindre leur organisation.
Mais pour l'instant, l'homme attendait avec impatience l'avis de sa camarade.

Elle attrapa la feuille tendue et partit s’affaler dans le canapé pour le lire. Comme toujours lorsqu’il s’agissait de se concentrer : les jambes contre le dossier et la tête en bas. Attentive à chaque mot de ce qui ressemblait à un manifeste, elle ponctuait régulièrement sa lecture d’onomatopées d’approbation ou même d’admiration. Ca alors, celui qui avait écrit ça était parvenu à mettre des mots parfaitement adaptés à la vision des choses selon l’Ordre. Si elle n’avait pas été si heureuse de découvrir un avis aussi bien construit et intelligemment mis en mots, sans doute Jodie aurait-elle été jalouse du talent de l’auteur.
Sa lecture finie, elle se redressa pour s’asseoir plus convenablement et leva les yeux vers Clément.

- Ca me paraît excellent. C’est toi qui l’as écrit ? Je ne savais pas que tu écrivais… Tu veux qu’on en fasse des tracts ? Je peux t’aider à les diffuser, évidemment.

Particulièrement enthousiaste à l’idée de pouvoir participer à diffuser un peu plus leurs idées, Jodie bondit du canapé et grimpa sur la table de basse. Sans aucune raison bien sûr, si ce n’était peut-être l’envie de tenter de s’élever à la hauteur du papier.

Le cœur attendri, il regarda avec tendresse, et un peu amusé avouons-le, la jeune femme envahir son espace et prendre ses aises. C'était rassurant et plutôt flatteur pour Clément de constater que les gens, les personnes auxquelles il tenait se sentaient comme chez elles dans l'appartement qu'il partageait avec Anselme. Il avait d'ailleurs tendance à inviter ses amis en ce moment, pour ne pas s'y retrouver seul ou y affronter son colocataire sans moyen de fuite.
Mais nous nous éloignons du sujet. Le fait est que Jodie, tout comme l'ancien Poufsouffle, était du même avis que lui et son opinion comptait d'autant plus qu'elle ignorait qui était l'auteur de ces slogans et articles. Un sourire franc orna son visage. Sans le vouloir, elle venait de lui apporter la solution qu'il attendait, qu'il espérait. Restait à savoir si cela était la bonne ; et là encore sa camarade allait lui être utile.

« Absolument pas. Je peux être beaucoup de choses, mais je n'ai malheureusement pas reçu le talent pour l'écriture. En réalité, il s'installa en face d'elle sur le canapé après avoir récupéré la mallette où se trouvait le reste des prospectus, ceci est le travail de notre ami Peeter Bletchley. Un homme qui se révèle beaucoup plus... investi que je ne l'avais imaginé. Tu lui connaissais cette capacité et cette motivation Jodie ? »

Deux grands yeux étonnés s’ouvrir à l’entente du nom de l’auteur.

- Peeter ?!

Elle retourna s’asseoir, croisa les bras sur sa poitrine et prit un air légèrement bougon.

- Il aurait pu me les montrer avant.

Mais Jodie ne lui en voulait au fond pas, consciente qu’elle n’était sans doute pas la personne posée et donc rêvée pour partager ses écrits. L’important était qu’ils aient un jour fini par arriver entre ses mains.

- Je sais de source sûre –c’est moi, la source sûre-, qu’il est sans doute un des sorciers le plus intéressé par le monde et la cause moldu que j’ai jamais connu. A vrai dire on n’a jamais vraiment parlé de son engagement politique, mais le fait qu’il chercher à faire avancer les choses ne m’étonne absolument pas de lui.

Au contraire. Quand on connaissait un minimum Peeter, on pouvait vite soupçonner qu’il était de ces personnes à l’ouverture d’esprit admirable et aux beaux idéaux. Quelqu’un de bien, tout simplement. Et par cette mallette remplie de ses écrits, le jeune homme confirmait de nouveau son bon fond. Comme cela faisait plaisir.

- Mais dis-moi, si tu me demandes, c’est que tu as un projet pour lui.

Elle se pencha en avant, appuyant ses coudes sur ses genoux avec un air avide d’informations. Il lui semblait deviner ce que Clément avait en tête, mais une confirmation aurait été la bienvenue.

« Il aurait pu me le montrer avant »

Ah. Elle avait mal compris. Ou plutôt, il ne lui avait pas bien expliqué les choses. Ce n'était absolument pas volontairement – enfin il ne le pensait pas – que l'ancien Gryffondor avait laissé traîner ses papiers chez Clément, encore moins volontaire certainement le fait qu'il s'agisse de tract défendant la cause des moldus mais remettant également en cause le gouvernement et tant d'autres choses...
Alors, Jodie ne devait pas se vexer car, il était certain que si choix il y avait eu, ce serait vers elle que le libraire se serait tourné... Probablement.

Il n'eut pas le temps de la rassurer à ce sujet car déjà son amie lui fournissait les réponses dont il avait besoin : Peeter était sérieux. Peeter pensait ce qu'il disait et disait ce qu'il pensait. Peeter comme beaucoup de Gryffondor avait un sens aigu de la justice.

Le professeur était ravi et soulagé. Son regard se porta sur le prospectus qu'il tenait entre les mains et un mince sourire fleurit sur son visage. Peut-être était-il temps de donner au jeune homme le coup de pouce qu'il lui fallait pour l'aider à faire changer les choses.
Il reposa la feuille à côté de Jodie, la frôlant au passage en se penchant.

« Je ne peux décidément rien te cacher. Il prit une grande inspiration. J'envisageai de lui parler de l'Ordre... de ce qu'il pourrait y faire s'il nous rejoignait. Son regard se teinta d'une légère inquiétude. Je ne voudrais pas qu'il se sente oppressé ou obligé de faire partie de notre organisation parce qu'il partage nos idées mais... Agir sans prendre de précaution pourrait le mettre en danger... »

C'était encore son côté mère poule qui parlait, ce côté tant aimé ou détesté, ce côté de lui qui s'était développé en grandissant mais surtout en élevant son petit frère.

Elle ponctua le discours de Clément de petits « ah » et « oh » mi-étonnés mi-ravis. L’enseignait pensait décidément à tout, avant tout le monde. Quand il eut fini, Jodie acquiesça vigoureusement de la tête, affichant sans surprise un sourire toujours trop grand.

- Je suis tout à fait d’accord avec toi ! Il est exactement le genre de personne dont on a besoin.

Elle se mit à compter les qualités de Peeter sur le bout des doigts.

- Vraisemblablement engagée, ouvert d’esprit, plutôt courageux, sympa, idéaliste mais pas trop… Et j’ai dit qu’il faisait de bons chocolats chauds ? C’est drôlement important, ça ! Comment ça il pourra nous en faire et on les boira avec un de tes gâteaux.

La jeune femme s’arrêta une seconde et ouvrit légèrement la bouche de plaisir en songeant à cette heureuse perspective. Ce qui lui faisait penser que l’Ordre devrait créer une charte où, en la signant, chaque membre s’engagerait à ramener au moins une bonne chose à manger par semaine. Pour le moral des troupes, ce serait brillant !
Mais ne s’attardant pas sur cette idée, Jodie revint à la réalité et se tourna vers Clément.

- Tu lui en parleras bientôt, donc ?

Jodie laissa cependant à peine le temps à Clément de répondre qu’elle se redressait soudain.

- Mince, mon gâteau !

Et sans à peine dire au revoir la voilà qui transplanait déjà jusqu’à chez elle. Pour se retrouver nez à nez avec un quatre-quarts à moitié cuit mais qui, dans son moule trop rempli, avait à moitié dégouliné dans le four. Peut-être que finalement elle s’abstiendrait de l’offrir à Peeter… Voilà qui aurait été un bien mauvais cadeau de bienvenue.

Clément était bien entendu ravi de voir que son amie approuvait sa décision. Bien plus que n'importe lequel de ses camarades, il faisait confiance à l'instinct de Jodie et à son esprit ouvert pour reconnaître une belle âme quand elle en avait une sous les yeux.
Il répondit par un léger rire face à l'enthousiasme gourmand de la jeune rousse. Ses pâtisseries convertissaient la plupart des gens qu'il rencontrait, et très clairement, il avait conscience de la capacité addictive de sa cuisine sur les membres de l'Ordre qui faisaient l'objet de ses expériences sucrées et gustatives.

Oui, décidément, présenté comme Jodie le faisait, il n'y avait aucun doute sur la décision que prendrait le libraire, et cela le rassurait.
L'homme n'eut cependant pas le temps d'en dire d'avantage car déjà dans un tourbillon de cheveux roux, son amie descendit de la table basse et cria quelque chose en rapport avec un gâteau et disparut aussi brusquement qu'elle était arrivée.

Médusé, l'ancien poufsouffle se mit à rire provoquant les coassements joyeux du bon vieux Prosper qui était resté jusqu'à présent silencieux (un miracle). S'approchant du crapaud, Clément vint lui caresser délicatement la tête.

« Je ne sais pas ce que toi tu en dis, mais je pense que je vais donner rendez-vous à Peeter demain matin et voir ce qui ressortira de notre conversation. Et qui sait... peut-être que l'Ordre du Phénix gagnera un nouveau membre, qu'est-ce que tu en penses ? »

La réponse du batracien fut inaudible car dans le même temps, la porte de l'entrée claqua signalant l'arrivée de nul autre qu'Anselme. Rapidement, le professeur fit voler les papiers dans la mallette et s'enferma dans sa chambre pour la cacher. Cette histoire ne concernait pas son colocataire et tant qu'il n'y était pas obligé il ne souhaitait pas qu'il en soit autrement.
Demain l'avenir attendait Peeter Bletchley.