ϟ DESCRIPTION PSYCHOLOGIQUE ; Simple vendeuse à temps partiel. Ou plutôt chômeuse à temps presque plein. Drôle de jeune femme qui ne semble pas faire grand-chose de sa vie à part marcher le nez en l'air. Petite boule d'énergie qui ne sait pas tenir en place. Grande buveuse d'Irish Coffee toujours fauchée dont l'utilité à la société n'a jamais été prouvée. Ancienne Poufsouffle amicale ayant souvent l'air dans la lune.
Ni sorcière particulièrement talentueuse, ni artiste torturée au génie reconnu et encore moins savante en passe de sauver l'humanité depuis son laboratoire, Jodie n'est pas de celle dont la vie inspirera un jour les générations futures. Elle n'a jamais rien fait de grand et ne fera jamais rien qui mérite d'être conté dans un livre d'histoire. Elle fait simplement partie de ces drôles d'individus qu'on apprécie sans trop savoir pourquoi ou qu'on déteste simplement car son être tout entier et ses défauts mal cachés nous inspirent l'antipathie. Mais qu'on l'aime ou l’exècre, il n'en reste pas moins que sous cette masse de cheveux et derrière ce large sourire se cache une jeune femme pleine de vie et guidée par quelques rêves qui semblent un peu fous.

Pétillante. C'est sans doute le premier adjectif qui viendrait à l'esprit en apercevant Jodie. Incapable de tenir en place plus d'une minute, elle court, bouge et chantonne, ne s'arrêtant que lorsque la fatigue la force à s'allonger et à fermer les yeux ou lorsque la nuit tombe et que lui vient l'envie de s'étendre part terre pour observer ces étoiles qu'elle tente toujours de toucher du bout des doigts. Et quand la situation l'oblige à s'asseoir tranquillement, elle pallie le manque d'exercice physique en se laissant tomber dans les méandres de son imaginaire, perdant bien vite le fil de la conversation. Elle ne le fait pas exprès, Jodie. Elle est comme ça, tout simplement. Quand on se tourne vers elle pour lui demander son avis, il n'est ainsi pas rare qu'elle se contente de regarder son interlocuteur avec de grands yeux étonnés, incapable de se rappeler de quoi il pouvait bien lui parler jusqu'à maintenant. Alors elle s'excuse. Sincèrement. Promettant qu'elle ne le faisait pas exprès et jurant de ne plus recommencer. Mais sa concentration se perd de nouveau au moment où ses yeux se posent sur le papillon volant devant la fenêtre.
De même, il est impossible d'attirer son attention lorsqu'elle s'est lancée dans la résolution d'une de ces énigmes en tous genres qui peuvent l'occuper des heures durant. Sans qu'elle ne puisse dire pourquoi, rien ne l'amuse plus que de résoudre ces casse-tête, de trouver le moyen de comprendre des messages cryptés et d'inventer des codes divers et variés. A défaut d'être très douée avec sa baguette, elle sait se montrer d'une aide précieuse lorsqu'il s'agit de faire preuve de logique.

Maladivement maladroite. C'est un fait. Elle a beau le savoir, tenter de faire attention, Jodie a la fâcheuse tendance de laisser glisser tout ce qui se trouve entre ses mains. Elle a beau assurer qu'elle sera plus qu'attentive et que ce que vous lui confiez ne risque rien, il est fort probable que votre livre se retrouve à prendre un bain dans l'évier, que votre bibelot vous soit rendu avec quelques traces de glu, ou que sur le chemisier que vous lui avez prêté persiste une tâche de chocolat. N'étant pas particulièrement douée pour les sortilèges, elle se retrouve d'ailleurs souvent à de rafistoler tant bien que mal tout et n'importe quoi à coup de colle et de ficelle. Notez également que si elle vous enlace avec un grand couteau de cuisine à la main, ce n'est pas car elle a prévu de vous enterrer au fond du jardin mais qu'elle a simplement oublié de le poser alors qu'elle tentait de cuisiner un plat qu'elle vous forcera dans tous les cas à manger bien, qu'il soit absolument infect. La mort par indigestion n'est donc pas à exclure, vous êtes prévenu.
Cette maladresse se répercute hélas également en magie. Élève, elle était du genre à faire tomber les flacons entiers dans ses potions et à laisser partir un sort en éternuant. Pas particulièrement brillante, son désir de bien faire couplé à beaucoup de travail lui a tout de même permis d'éviter de devenir une calamité ambulante.
Maladroite avec les mots aussi. Jodie voudrait dire beaucoup mais les phrases ne sortent pas toujours de sa bouche comme elle le souhaiterait. Trop directe quand il faudrait user d'un peu de tact et pas assez quand on aimerait qu'elle dise ce qu'elle pense sans détour. Alors quand elle sent qu'elle fait encore les choses de travers, elle se contente d'esquisser un sourire désolé en espérant que son interlocuteur comprenne qu'elle voulait simplement bien faire.

Une grande idéaliste devant l'éternelle. Malgré tous ces conflits qui déchirent le monde magique, Jodie fait partie de ceux qu'on traite parfois d'illuminés. De ceux qui ont espoir de voir un jour la société unie au-delà de tous différents idéologiques. Convaincue qu'une coopération entre moldu et sorciers est envisageable, elle espère et croit sincèrement qu'il est possible de cohabiter et que toutes ces abominations concernant de prétendus sangs impurs seront un jour balayées. Et si elle a conscience qu'elle ne changera jamais le monde grâce à une pluie de bonbons, elle tente d'apporter sa petite pierre à l'édifice en s'investissant tant qu'elle le peut dans l'Ordre du Phénix duquel elle fait aujourd'hui partie. Si elle est passionnée par la cause qu'elle défend, elle n'est à vrai dire pas la membre la plus émérite, loin de là... Elle est plutôt celle dont la bonne volonté fait sourire, la cuisine perpétuellement ratée grimacer, qui réussit à étaler son bazar n'importe où et qui semble toujours autant étonner avec ses raisonnements compliqués qui lui paraissent d'une simplicité déconcertante. En somme on évite de lui confier les tâches qui nécessitent une habileté manuelle quelconque mais on n'hésite pas à faire appel à elle quand il s'agit de coder, décoder et imaginer tout et n'importe quoi.

Il y aurait encore beaucoup à dire son propos. Sa manie de commencer mille et une choses et de n'en finir aucune par exemple. Ou encore sa passion dévorante pour les vernis à ongles alors qu'elle n'en met jamais car cela demande beaucoup trop d'une concentration qu'elle juge inutile. Pourquoi ne pas évoquer également son goût très prononcé pour les soirées passées devant la télévision à regarder en boucle les classiques du cinéma moldu, refaisait le doublage et mimant chaque scène en se prenant pour tous les acteurs à la fois ? Et que dire de sa peur bleu des mangemorts qu'elle essaye de cacher et de surpasser... Caractéristique importante certes, mais ceci étant assez commun dans le monde magique, ne nous attardons pas sur ce point.
Plus généralement, on pourrait ajouter qu'à l'hyperactivité est chez elle couplé forme d'hypersensibilité. Un film se termine par un baiser torride et particulièrement romantique : elle pleure de joie. Sa mère tente de l'obliger à manger une assiette d'épinards : elle fond en larmes devant toute cette pression mise sur ses épaules. L'oiseau qu'elle a ramassé au fond du jardin et soigné avec toute l'attention dont elle était capable s'est finalement envolé : ses yeux sont rouges pendant l'heure ayant suivi ce départ. Mais un paquet de bonbons plus tard et un sourire vient de nouveau s'incruster sur ses lèvres.

Elle est comme ça, Jodie. Bordélique, légèrement peureuse, avenante, pas douée de ses mains, un peu trop sensible, optimiste, tête en l'air, drôle malgré elle, lunatique, rationnelle et irréfléchie à la fois, pas très mature, éternelle looseuse qui semble ne pas s'en rendre compte, malchanceuse, et bien d'autres encore... Un brin de femme qui aimerait changer le monde même si au fond elle sait qu'elle n'y parviendra pas. Un passager clandestin qui a sauté à bord de ce grand train qu'est la vie, appréciant chaque instant du voyage mais n'ayant pas pris le temps de vérifier la destination. Juste une petite sorcière avec de grands espoirs dont celui d'être simplement heureuse.

ϟ DESCRIPTION PHYSIQUE ; Ses yeux se plissent et ses sourcils se froncent au moment où elle aperçoit son reflet dans le miroir. D'un air dubitatif, elle passe les doigts dans ses cheveux en bataille pour mesurer l'étendue du dégât capillaire. Soit. Désastreux. Mais cependant très habituel. Tout en sifflotant, elle entreprend donc de brosser cette masse rousse. Brosse en descendant les escaliers, brosse encore et toujours en attrapant de sa main libre une tasse qui lui semble propre, continue de brosser en cherchant en vain du chocolat en poudre, s'arrête une seconde de brosser le temps d'enfiler le premier pantalon qui lui tomber sous sa main, reprend son brossage en revenant dans sa salle de bain tout en se demandant où a bien pu disparaître le chocolat, et s'arrête finalement lorsque sa crinière semble vaguement domptée. Comme tous les matins, elle attrape au hasard une large barrette qu'elle fixe rapidement sur sa tête. Fleurs diverses et variées, animaux en tous genres, motifs géométriques et simples pinces de couleurs : il y en a pour tous les goûts dans cette panière à accessoires.
Problème capillaire réglé, son nez se rapproche du miroir jusqu'à presque toucher son reflet et ses sourcils se rapprochent de nouveau. Pendant une trentaine de secondes, elle reste immobile à se demander s'il est réellement nécessaire qu'elle perde un précieux temps à s'appliquer produits de beauté et crèmes teintées en tous genres. Non. Car le temps volé inutilement ne se retrouve jamais, autant le conserver précieusement plutôt que de le gaspiller à utiliser mascara et rouge à lèvres.
Dans l'ensemble satisfaite de son apparence -il faut dire qu'elle n'est pas très exigeante-, elle sort de la salle de bain en sautillant comme si elle était montée sur ressorts et met au hasard la main sur un tee-shirt posé sur le dossier d'une chaise. Elle n'est pas très attachée à son style vestimentaire cette Jodie. Elle est plutôt de celles qui n'ont pas été dotées du gène de la mode et qui se contentent d'acheter tout et n'importe quoi pourvu qu'il s'agisse d'un coup de cœur. Une paire de chaussures aux pieds et un manteau sur les épaules plus loin, elle est fin prête et n'attend pas une seconde de plus avant de sortir de chez elle, encore une fois le ventre vide.

Cheveux tirant vers le rouge, pantalon vert pastel et manteau bleu canard : elle ressemble à l'un des bonbons qu'elle vend. Tenue colorée qui finalement ne fait que rendre hommage à tout le dynamisme qu'elle véhicule. Ses grands yeux clairs semblent continuellement pétiller de malice, comme si dans ses prunelles étaient nichées un millier d'étincelles. Petit morceau de voie lactée dans lequel les regards de ses interlocuteurs se perdent souvent, leur faisant oublier ces vilaines cernes qui sont venues se cacher sous ses yeux pour cause de manque cruel de sommeil. Et si parfois les lueurs de ces petites étoiles faiblissent pour laisser place à quelques gouttelettes d'une tristesse momentanée, une pointe d'humour, un sourire sympathique ou une friandise acidulée suffisent à ce qu'elles se parent à nouveau de ce voile brillant. Jodie n'est ni l'amante au regard de braise ni la mère aux yeux rassurants. Elle est la petite sœur qui vous regarde avec admiration et l'amie qui d'un coup d’œil vous communique sa joie de vivre.
Son sourire quelque peu naïf mais sincère et ses joues roses paraissent vous crier qu'aujourd'hui encore elle est d'une humeur flamboyante. Dents blanches découvertes et pommettes hautes ne disparaissent qu'en de rares occasions et à l'image de ses yeux rieurs, ce n'est jamais pour bien longtemps.
Sans être d'une beauté exceptionnelle, son visage quelque peu atypique n'est de façon générale pas désagréable à regarder. Une bouche un peu de travers collée sur un visage pourtant globalement symétrique. Des yeux de gamine avec un corps d'adulte. Des cheveux de poupée sur le crâne d'une drôle d'humaine. Agencement de petits détails qui forment un tout cohérent, qu'on apprécie ou non mais dont la jeune femme se contente parfaitement.
Du haut de sa silhouette fluide et de sa taille moyenne, sous ses vêtements qui lui font souvent passer pour un arlequin et de son air d'enfant émerveillée par tout ce qui l'entoure, Jodie fait somme toute penser à un personnage de conte de fées qui aurait atterri par hasard dans ce monde un peu trop terne.

ϟ BUT DANS LA VIE ; Devenir assez responsable pour un jour avoir un chien. Trouver un nouveau travail. Réussir à cuisiner un repas mangeable. Apprendre le suédois. Écrire un livre en messages codés. Participer à faire accepter les moldus à l'ensemble du monde magique.

ϟ CE QUI COULE DANS VOS VEINES ; Elle est née-moldue.

ϟ VOTRE ANIMAL DE COMPAGNIE ; Deux poissons rouges qu'elle a miraculeusement été capable de garder en vie. Pour le moment.

Juillet 1984.

Un étrange chimpanzé était actuellement perché dans le chêne du jardin. La tête en bas et les jambes crochetées sur une branche, l'étonnant animal à crinière rousse se balançait d'avant en arrière sans se rendre compte de son équilibre précaire. Sous cette espèce inconnue des glossaires de biologie se trouvait un de ses proches cousins, pour sa part à poils bruns. Gesticulant à tort et à travers, on pouvait supposer que le plus petit des deux -celui qui tenait normalement sur ses deux pattes arrière- tentait d'entrer en communication avec l'autre. Mais étant visiblement particulièrement têtu ou ne parlant pas la même langue, le petit singe roux continuait de se balancer, suspendu à quelques mètres du sol sans se soucier de ce qui l'entourait et surtout pas du vide. Se balançait, se balançait, se balançait, et tomba. Acrobate au sens de l'équilibre visiblement précaire. En s'approchant de plus près, on remarquait que cette espèce de petit être vivant tout coloré qui s'était lamentablement étalé sur le sol était en réalité la petite Jodie Graham. En faisant encore quelques pas vers les deux silhouettes, on constatait également qu'il s'agissait de sa sœur cadette, Joy, qui se précipitait vers elle pour l'aider à se relever. Étonnamment, la rouquine sauta sur ses pieds quasi instantanément sans la moindre égratignure, comme si sa chute avait été miraculeusement amortie par une mystérieuse force. Mais alors qu'elle s'apprêtait à grimper de nouveau sur son perchoir, la mère des deux garnements se précipita vers ses progénitures en appelant tous les Saints et implorant Dieu de lui expliquer pourquoi diable ses filles ne pouvaient-elles pas rester en place. Voyant sa figure maternelle arriver à grands pas, Jodie croisa brusquement les bras dans son dos, comme si elle avait été prise en flagrant délit. A l'opposé, la plus jeune des deux sœurs se précipita vers madame Graham pour s'agripper à ses jambes et lui jurer qu'elle avait tenté de retenir la rouquine.

- Jag är... led... Ledsen ! Articula Jodie non sans difficulté mais avec un air particulièrement fier d'elle-même. Depuis qu'elle était au hasard tombée sur un documentaire traitant de la Suède un mois auparavant, la fillette s'était prise d'une soudaine passion pour ce pays et plaçait dès qu'elle en avait l'occasion la petite dizaine de mots qu'elle avait réussi à retenir. « Je suis désolée » étant la phrase qu'elle répétait quasi continuellement, sa mère ne s'en étonnait plus vraiment et se contentait de lever les yeux au ciel.
- A la maison, siffla-t-elle mère exaspérée. Tout de suite, ajouta-t-elle sans céder aux yeux suppliant de sa fille.
- Mais, commença Jodie qui n'avait nullement envie de rester enfermée alors qu'il faisait si beau dehors -chose d'ailleurs assez rare pour la région !-.
- Il n'y a pas de "mais" qui tienne, la coupa la mère qui tentait toujours de décrocher son autre fille de sa jambe. D'ailleurs une lettre t'attend dans la cuisine.

Se soumettant à l'ordre maternel, la fillette retourna à la maison en grimaçant. Cependant, plutôt que de pester dans son coin contre ce pouvoir tyrannique, elle se précipita pour ouvrir cette lettre qui l’attendait.
Quelle surprise lorsqu'elle ouvrit cette étrange enveloppe lui venant d'un expéditeur qu'elle ne connaissait ni d’Ève ni d'Adam. De la magie… Cela expliquerait quelques-uns des étranges événements qu'elle attirait parfois sur elle.

Etait-ce réellement vrai ? Il fallait croire que oui. Car mois de deux mois plus tard, elle sautait dans le Poudlard Express en direction de cette école de magie qui la faisait trépigner d'impatience.
Quelque peu inquiets, ses parents la regardaient partir pour un lieu inconnu d’un œil angoissé mais se doutaient que quelque soit la situation, leur aînée trouverait le moyen de s’intégrer et de s’épanouir. Originale et légèrement décalée, elle l’avait toujours été et jusque là, cela ne lui avait jamais trop pesé. Du moins, elle semblait s’accommoder des réflexions récurrentes que certains enfants lui faisaient. Bien que plus tard s’observera chez elle une confiance en soi proche de zéro.


Juillet 1991.

Plus tard lui serait auror. Celle-ci voulait être médicomage, celui-là travailler au département des mystères et ce dernier intégrer une équipe de Quidditch mondialement connu. Jodie semblait ne rien vouloir être. Elle souhaitait simplement rester à vie cette petite Poufsouffle qui se sentait dans cette maison qui semblait taillée pour elle mieux que nulle part sur terre. Mais les années Poudlard venaient de se terminer et il était temps pour elle de trouver quelque chose à faire. Chose certaine, l'école lui manquerait assurément. Ces cours qu'elle avait finalement pris beaucoup de plaisir à suivre malgré son manque de brillant en magie, ses amis qu'elle connaissait depuis sept ans maintenant, l'ambiance chaleureuse qui régnait dans la maison des jaunes. Petite sorcière née moldu, elle se sentait aujourd'hui parfaitement intégrée, ou presque, à ce monde dont elle n'avait appris l'existence que quelques années auparavant. Mais quitter le nid chaleureux du château lui faisait à vrai dire affreusement peur, même si elle masquait cette angoisse sous de larges sourires et des montagnes de bonbons auxquels elle était toujours autant accro.
N'ayant pas brillé par son génie lors de ses ASPICs -de par son travail et sa bonne volonté, elle avait décroché des notes convenables mais qui ne lui permettraient pas de postuler à de prestigieuses carrières- elle cherchait à présent de quoi s’émanciper financièrement. Ou plutôt la directrice de sa maison l'avait poussé à se préoccuper un brin de son futur.
Alors un peu au hasard et se disant que ce travail pourrait lui correspondre, elle se retrouvait aujourd'hui à la porte d'entrée d'Honeydukes. Comme toujours sourire aux lèvres, Jodie poussa la porte de cette boutique dont elle avait franchi le seuil tant de fois déjà. Quelques jours auparavant, une amie à elle lui avait mis entre les mains cette l'offre d'emploi et devant son insistance et se disant que travailler dans des rayons remplis de sucreries ne devait pas être désagréable, la rouquine avait finalement décidé de postuler.

Une demi-heure plus tard, sans trop savoir comment cela était arrivé, elle avait un travail. Se rendant compte de la réalité et de toutes les responsabilités qui s'ensuivaient, elle fondit en larmes. Trouver des problèmes là où il n'y en avait pas et se mettre la pression pour tout et surtout n’importe quoi : spécialité de Jodie.


Août 1996.

Qu'elle était parfois étrange cette Jodie. Sautillant sur place, elle avait le regard planté sur un carnet qu'elle noircissait d'une série de chiffres et lettres formant un tout incompréhensible. Sa page finie, elle arrêta de bondir et posa son calepin sur une pile de dizaines d'autres petits cahiers déjà tous remplis. Remplis de ce charabia incompréhensible et profondément inutile qui amusait pourtant très sincèrement la jeune femme. Elle écrivait tout et n'importe quoi, mais principalement, elle se contentait de raconter ses journées en inventant chaque jour un nouveau code pour ce faire. Et puis cela était une manière stimulante pour l'imagination de passer le temps. Car du temps libre, ce n'était pas ce qui lui manquait.
Après trois ans de ses bons et loyaux services, le couple qui tenait la boutique de sucreries dans laquelle elle était vendeuse avait fini par se rendre compte que leur employée ne leur était pas d'une grande utilité. Devant la pitié que leur inspirait cette jeune femme qui, ils le savaient, ne trouverait sans doute pas d'autre emploi de si tôt, ils avaient tout de même eu la bonté de continuer à l'engager deux jours par semaine. Vendredi et samedi, elle aidait donc toujours les gérants, vendant chocogrenouilles et plumes en sucre aux élèves de Poudlard et aidant ses employeurs à préparer tous ces bonbons dont elle raffolait toujours autant. Le reste de la semaine, elle ne faisait pas grande chose. Elle flânait, mélangeait un peu au hasard toutes sortes de produits pour tenter de créer de nouvelles sucreries aux goûts originaux, sautait au cou de son petit ami à chaque fois qu’elle le voyait, passait des heures à écrire de drôles de codes secrets et traînait pas mal du côté du quartier général de l'Ordre. L'Ordre du Phénix. Elle l'avait intégré un an environ après sa sortie de l'école. Que pouvait-elle bien faire là-bas ? Bonne question. Mais quand on y réfléchissait à deux fois, il n'était pas totalement illogique qu'elle en soit membre. Car si elle n'avait pas de but précis dans la vie, elle savait vaguement ce qu'elle ne voulait pas. Et pour rien au monde elle n'aurait vécu dans un monde régi par une réglementation basée sur la pureté de votre sang. Un monde gouverné par une violence continuelle et où toutes les valeurs dans lesquelles elle croyait seraient balayées. Ainsi, car on la savait loyale, de bonne volonté et pas aussi naïve qu'elle en avait l'air, elle avait fini par se faire sa place.

Alors qu'elle s'apprêtait à présent à sortir, on frappa à sa porte. Ni une ni deux, elle se précipita pour aller ouvrir et eut la bonne surprise de tomber nez à nez avec Mark, jeune homme duquel elle était tombée éperdument amoureuse depuis bientôt deux ans.
- Il faut absolument que tu goûtes quelque chose. Le laissant entrer, elle se précipita vers la cuisine et revint vers lui en courant alors qu'il n'avait même pas eu le temps d'enlever son manteau.
- Plus tard Jodie, il faut qu'on parle, répondit-il en la prenant par les épaules pour la pousser à s'asseoir. Elle se laissa tomber sur le vieux canapé inconfortable de son minuscule salon tout en lui tendant la panière de bonbon qu'elle tenait dans les mains.
- Mange en d'abord un, lui conseilla-t-elle en lui mettant sa petite corbeille sous le nez.
- Je m'en vais, lui dit-il alors en repoussant une nouvelle fois ce qu'elle lui tendait.
Devant ses grands yeux interrogateurs, il poursuivit.
- Je te quitte.
Elle ne disait toujours rien, se contentant de le fixer en penchant la tête de travers, comme si elle n'était pas certaine d'avoir compris.
- Nous deux c'est fini, Jodie, reprit-il finalement en se relevant.
Et sans plus de cérémonial ni aucun geste tendre ou sympathique à son égard, il sortit.

Le sourire de la jeune femme avait soudain disparu. Elle restait assise là, incrédule, sa panière de bonbons roses sur les genoux, le regard subitement vide. Venait-il vraiment de la laisser lamentablement tomber... C'était du moins ce que ses mots semblaient dire. Et la lettre qu'elle recevrait quelques jours plus tard, lui expliquant à quel point elle était une jeune femme fantastique mais pourquoi il ne l'aimait plus, confirmerait. Mécaniquement, elle porta une de ces petites choses acidulées à sa bouche alors que ses yeux s'emplissaient de larmes. Et pendant que les larmes commençaient à couler le long de ses joues roses, une drôle de fumée commença à s’échapper de sa bouche. Car il s’agissait là de petites confiseries qui quand on les croquait devenaient gazeux et laissait filer de petits nuages en forme de cœurs. Inventions qui lui avait demandé des semaines de travail et qu'elle voulait offrir à Mark en guise de jolie preuve d'amour... Eh bien il ne lui restait plus qu'à les manger seule... Mais aujourd'hui, quelques bouchées sucrées seraient loin d'être suffisantes pour retirer le couteau qu'il venait de lui planter dans le cœur.

Du haut de ses 22 ans, Jodie avait quatre grandes fiertés. La première résidait dans le fait qu'elle ait terminé sa collection de cartes de chocogrenouilles. La deuxième était la capacité à inventer de nouveaux bonbons qu'elle avait acquise grâce à son travail chez Honeydukes. La troisième s'expliquait par son appartenance à l'Ordre qui lui donnait l'impression de ne pas être totalement inutile. La quatrième et sans doute plus importante était sa vie amoureuse stable qui faisait office de point de repère au milieu du bordel qu'était son existence. Aujourd'hui, ce dernier point venait d'être piétiné en même temps que le peu de confiance en soi que cette relation amoureuse lui avait permis d’acquérir.
Elle se sentait particulièrement minable. Comme si en une fraction de seconde tous ses défauts lui sautaient à la figure et la faisaient se sentir comme l’humaine la plus pitoyable de cette terre.

Deux semaines plus tard, Jodie sortait enfin la tête de son oreiller. Jamais un chagrin n'avait duré aussi longtemps, mais la peine commençait doucement à s'effacer et le sourire lui revenait peu à peu. La plaie n’avait pas encore cicatrisé mais la sorcière reprenait goût à ces choses qui lui tenaient habituellement tant à cœur. Quelques mois plus tard, on dira que ces deux semaines furent simplement une étrange parenthèse dans la vie de la jeune femme. Quinze jours d'une peine qui ne lui ressemblait pas, d'une peine qu'on était bien content qu'elle lui soit vite passée car on n'aimait pas la voir comme ça.
Avec une pointe de nostalgie, il lui arrivera de repenser à ce jour douloureux durant lequel on lui avait arraché une partie du cœur. Mais cela, elle préfèrera le garder pour elle.


Février 1997.

Une montagne de coquilles d’œufs s'était formée sur le plan de travail, à côté de la pile de vaisselle sale qui traînait là depuis un bon moment déjà. Une fumée noire s'échappait du four, asphyxiait déjà toute la cuisine et se propageait à présent dans le salon dans lequel Jodie se trouvait. Alors qu'elle était occupée à classer sa collection de vernis par couleur, l'odeur de brûlé vint lui chatouiller les narines. Se demandant d'abord de quoi il pouvait bien s'agir, elle se rappela soudainement qu'elle s'était aujourd'hui encore lancée dans la confection de meringues. Sautant sur ses pieds, elle se précipita dans la cuisine, manqua dans la précipitation de tomber au moins trois fois, et ouvrit le four en s’étouffant à moitié à cause de ce nuage noirâtre qui lui sauta à la figure. Bon... La cuisine n'était décidément pas son fort.

- Mince, mince, mince. Alors qu'elle venait de sortir -et ce sans se brûler!- ces choses noires et visiblement immangeables, elle se rendit compte que la pendule indiquait plus de 21h ce qui signifiait qu'elle était déjà en retard. Cheveux négligemment attachés, chaussettes dépareillées -maudissons ensemble cette machine à laver qui rendait célibataire n'importe quelle paire!- et bas de pyjama toujours sur elle, Jodie se rua vers la porte d'entrée. Dans son élan, elle la claqua derrière elle mais car la chance était quelque chose qu'elle n'avait jamais eu, le lacet qu'elle n'avait pas pris le temps de faire resta coincé et elle s'étala lamentablement par terre.

Une dizaine de minutes plus tard et une chaussure en moins aux pieds, elle arriva au milieu d'une réunion de l'Ordre qui encore une fois avait commencé sans elle.

Elle n'avait pas changé. Quelques mois après s'être faite larguée sans préavis, la vie avait repris son court et elle semblait être la même jeune femme qu'elle avait toujours été : enthousiaste, maladroite, un peu à côté de la plaque, malheureuse en amour et professionnellement mal barrée. Plus que jamais au bord du licenciement mais toujours souriante. Aussi fauchée que Crésus était riche mais se contentant de ce qu'elle avait. Toujours incapable de faire cuire des pâtes correctement mais qui se persuadait qu'un jour elle serait capable de réussir de beaux macarons.

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