La lettre est rédigée à la va-vite sur un parchemin légèrement tâché de café.

Automne,

J'ai reçu ta lettre et elle m'a vraiment fait plaisir. C'était une belle surprise et je dois être honnête je ne m'y attendais vraiment pas.
Ta proposition me touche sincèrement. Je sais que ça fait très longtemps qu'on ne s'est pas vues et encore moins parlées, alors tout ça me paraît tellement [un mot est raturé] ... Je ne sais pas. Je ne veux pas avoir l'impression de profiter ou d'abuser alors qu'on vient à peine de reprendre contact, mais ton ami n'a pas menti, j'ai quelques soucis de logement ces temps-ci et inconsciemment je crois que vivre avec toi me ferait du bien. Je serais vraiment ravie d'emménager chez toi, oui. Je n'ai pas beaucoup de meubles alors ne t'inquiète pas pour la déco', la tienne sera très bien. Pour le reste, ne t'en fais pas, je paierai tous les mois sans retard et je m'adapterai. Ce n'est pas un problème.

Je ne sais pas encore trop quand, mais il faudrait qu'on se voit, c'est vrai. Je travaille au Ministère ... Enfin à l'accueil. Alors passe me voir dès que tu le peux toi aussi. Ca sera l'occasion de parler de tout ça et de prendre de tes nouvelles.

Je t'embrasse,
W.

*C'est un papier officiel, aussi propre et soigné qu'il doit l'être, mais cela n'empêche pas qu'une main malicieuse a griffonné une pluie de petits cœurs à l'air étrangement narquois dans la marge ainsi qu'une maigre poignée de smileys qui tirent la langue, moqueurs.*

Aujourd'hui, c'est la St-Valentin et je n'ignore pas que tu la passeras sans doute seule, avec juste un vieux bouquin poussiéreux en guise de compagnie. Quel dommage, une jolie fille comme toi, condamnée à rester dans l'oubli de son appartement ! On croyait presque avoir affaire à un bibelot usé, oublié, qui ne mérite pas d'assister aux réjouissances. Mais nous savons tous les deux que ce n'est pas le cas, n'est-ce pas ? Quand nous sortions ensemble *le mot est souligné deux fois, tel un rappel impérieux* au moins, tu t'amusais. Regarde ce que tu es devenu à présent : jonglant entre les reportages insignifiants dans le vague espoir de dénicher un scoop qui ne vient jamais. Pauvre, pauvre chérie.

Malheureusement pour toi, je n'ai plus de temps à t'accorder. Je sais à quel point tu t'en veux mais cela ne sert à rien de me supplier. J'ai rendez-vous avec un charmant jeune homme qui a su voir toute l'étendue de mon charme, contrairement à toi lorsque tu as exigé de rompre. J'ose espérer que tu te noieras dans ta solitude en regrettant d'être partie. Oh, mais suis-je bête ! Tu as Camus, Berlioz et tous les autres. Des êtres d'encre et de papier qui conviennent parfaitement à ton caractère aussi tyrannique. Tu as toujours été, après tout, une tour de fer impitoyable.

Joyeuse St-Valentin, ma belle idiote.

C'est maintenant que je me dis : j'aurais dû t'inviter à manger quelque chose à la maison ce soir. Bah maintenant c'est un peu trop tard. J'espère juste que tu as trouvé quelqu'un de bien, et que tu n'as pas fait trop de bêtises. Je me comporte comme une mère poule désolé, c'est le vin blanc.

Je me disais que c'était la meilleure occasion pour te dire à quel point tu es un amour d'amie, que je ne t'en veux pas de ne m'avoir rien dit pour Hippolyte. Si un peu, mais c'est pas grave. Et puis que je veux encore vieillir avec toi et faire des trucs de gamins immatures, ce que l'on ne doit normalement plus être. Il paraît qu'a notre âge il faut être sérieux, penser économie, bébés, boulot, mariage. Moi je trouve ça très déprimant.

Encore un heureux Saint-Valentin.


Plein de bisous.
Ton Peeter.

PS ; J'ai trouvé une nouvelle idée sensas pour faire rager Hippo. Un truc avec des fruits, je te raconterai la prochaine fois que l'on se voit.

Ma Automne,

J'espère que tu vas mieux. N'hésite pas à passer à la maison, à me téléphoner si tu en ressens le moindre besoin. Je sais même pas pourquoi je te dis ça, tu sais très bien que tu es chez toi dans mon appartement. Passe rapidement, je te ferais un crumble aux pommes avec ton thé préféré. En plus, j'ai entendu parler d'une brocante pas loin, on pourra faire un tour. Ça te remontra le moral.
Je te souhaite au passage une très bonne Saint-Valentin. Ne t'inquiète pas si tu ne nous as pas invités avec Peeter, je crois qu'on regrette tous d'avoir passé notre soirée en célibataire. Mordred était d'ailleurs un peu malade, il a attrapé froid en se promenant, alors je préférais rester avec lui.
J'ai d'ailleurs reçu une lettre de Peeter. Je t'arrête tout de suite, il ne me demandait pas d'aller boire un verre. On en parlera plus longuement au téléphone.

Je t'aime ma française.
Hippolyte.

Automne, je sais que tu vas finir par apprendre la nouvelle, si ce n'est pas déjà fait. Tu vas m'en vouloir, tu seras incapable de comprendre pourquoi. Ne cherche pas, ne te fais pas plus de mal que ça. Ignore tout ce qu'on va te dire, ne crois personne quand ils te donneront des raisons. Garde de moi les images de notre enfance à Fowey, ou de nos soirées à manger des bonbons. Je ne suis pas mauvais.

Basile me hait aujourd'hui, et il a toutes ses raisons de le faire. C'est rare, j'ai peur. Je me dis que je l'ai cherché mais j'ai peur. Et si c'étaient tous mes amis qui me détestaient ? Vous tous ? On est pas censé être une grande famille heureuse ? On est pas censé s'aimer ? Notre communauté vient de s'effondrer. Notre quête échoue, les nazgûls gagnent ? Je perds tout. Basile, Lichuan. Tu ne les aimes pas, mais ce sont mes amis Automne, mes frères.

Toi, tu es ma grande sœur.
C'est différent, on se connaît depuis tellement longtemps Automne, tu es ma jolie narnienne, ma Galadriel. Je suis désolé ma Automne, désolé.

Ce n'est pas une lettre d'adieu. J'ai promis à Basile de ne plus essayer de me suicider. Une dernière promesse que je ne briserais pas. Je n'ai plus envie de le décevoir, tu sais ? Mais j'étouffe. Actuellement, je suis chez un ami. Je vais bien. Enfin, aussi bien que peut aller quelqu'un qui a tout perdu. Je passerais te voir plus tard, quand je trouverais la force d'affronter ton regard. Toi aussi tu es déçue, n'est-ce pas ? Après tout ce que tu as fait pour moi – ces repas, ces visites à l'hôpital, ces heures passées à t'occuper de ma personne – tu n'aurais pas pensé que j'en serais arrivé à cette solution ?
Mais la vie n'a pas d'importance. Rien n'en a. Je suis fatigué Automne. Les derniers événements finissent de me persuader que toute notre vie n'est qu'un détail, que tout se brise sans qu'on ait la moindre influence dessus. Je vais pas te dire que j'aurais dû mourir, je crois que d'un côté je suis heureux d'être toujours vivant, de pouvoir venir te voir.

Peut-être que je t'ai appris la nouvelle. Peut-être que tu ne sais pas, que tu l'aurais appris en voyant mon poignet, en croisant Basile dans un couloir, par Hippolyte à qui il aurait appris ma situation.

Je t'aime.
Jessie.

Ma Automne,

Tu sais que j'ai toujours une place pour toi. Mais les choses se sont enchaînées à une vitesse et je n'ai pas vraiment eu de temps pour toi - je suis désolée. J'aurais aimé t'en parlé de vive voix directement, mais j'ai été prise de cours par tout ces événements. Ça me touche que tu t'inquiètes mais je veux te rassurer - je vais bien.

Je suis désolée d'apprendre pour ton ami. Je ne comprends que trop bien. C'est un sentiment que je connais - malheureusement - bien, j'espère que tu tiens le coup.

Ton PS et toute cette histoire me fait penser que j'ai des tas de choses à te raconter, et peut-être qu'on pourrait parler de tout ça en fait, autour d'un repas, d'un film, si ça te tente.

Tu serais libre ce soir ou demain?

Kendra.