Jeremy Austen était un anglais, originaire d'Afrique, et il avait succombé au charme de la jolie taïwannaise Xia He Qian alors qu'il voyageait à Taichung cette année-là. L'idylle n'avait – et de toute manière, il n'aurait pu en être autrement – duré que quelques temps, le temps de son voyage. Lui était reparti sur son île anglaise, le cœur léger et avait repris le cours de sa vie comme si de rien était. Il s'était finalement marié avec une jeune anglaise, avait de formidables enfants et une carrière fabuleuse. Il n'avait pas idée qu'il avait laissé derrière lui Xia He enceinte et encore amoureuse de lui (et encore aujourd'hui, mais ça, très chers, c'est une toute autre histoire).

Neuf mois et trois jours plus tard, le treize août 1975, Kendra Austen voyait le jour. Et quelques deux semaines et un jour et demi plus tard, Xia He et sa fille tout juste née partaient pour l'Angleterre, sa mère déterminée à retrouver « l'homme de sa vie. » Sauf qu'arrivée à l'autre bout du monde, celle-ci se rendit compte qu'elle n'avait aucun moyen de retrouver Jeremy, aucune ressource, aucun logement, aucune connaissance... Enfin, presque. Son frère s'était marié avec une certaine Whitelaw, et c'est chez la sœur de cette dernière (Vous suivez encore?) que Xia He débarqua, son bébé dans les bras. Heureusement, la famille Whitelaw était assez généreuse pour les héberger, le temps que la jeune femme trouve un emploi stable et un logement.

Un an plus tard, Xia He et sa fille aménageait au-dessus d'une petite librairie dans le China Town londonien ; elle avait finalement trouvé un emploi dans un restaurant, quelques rues plus loin. Ce n'était pas le grand luxe, mais c'était un nouveau départ pour la mère et la fille – quand bien même celle-ci était encore bien trop petite pour comprendre.

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« Je comprends pas. » Kendra, du haut de ses sept ans, se hisse sur ses pieds et pose un peu brusquement les assiettes sur la table. Sur son visage encore enfantin, il y a une mine trop sérieuse pour une petite fille, et même un léger froncement de sourcil. Visiblement, la phrase émerge d'un long questionnement silencieux. Sa mère contemple la petite, sans comprendre. Kendra fixe de ses yeux noirs l'adulte, en s'asseyant sur la chaise.

« Qu'est-ce que tu ne comprends pas ?
— Pourquoi Aloysius est dans une école de sorciers et moi pas. » La fillette croise les bras, visiblement travaillée par le sujet depuis un long moment, et la question devait lui brûler les lèvres depuis quelques temps. Xia He est un peu surprise par la question, et tente tant bien que mal de trouver une réponse satisfaisante.

« Eh bien... Parce que tu es trop jeune ? La rentrée est seulement à onze –
— Non mais ! Je sais ça, il me l'a dit. Non, pourquoi lui c'est un sorcier et moi j'en suis pas une ? Je comprends pas. » Elle interromps sa mère ; elle n'est pas si bête que ça quand même ! Son cousin lui a déjà bien assez souvent parler de Poudlard pour qu'elle sache qu'elle n'a pas encore l'âge d'y aller.

Sa mère a dû mal à trouver une réponse – bien sûr, si Kendra avait élevée comme une moldue comme les autres, elle n'aurait jamais eu ses interrogations... Mais non, il a fallu que le frère de Xia He épouse une sorcière, une Whitelaw, et qu'en arrivant en Angleterre, Xia He se tourne vers cette branche de la famille. Impossible pour Kendra d'ignorer cet « autre monde » si différent du monde moldu duquel Xia He vient.
Elle stoppe ce qu'elle était en train de faire, pour se concentrer uniquement sur la petite tête brune contrariée.

« Euh... Parce que ton cousin, il vient d'une famille sorcière. Et toi, bien, ni moi ni ton papa ne sommes des sorciers.
— Oui, mais – elle a beau avoir sept ans, la petite a déjà un langage recherché et une curiosité qui défie les autres enfants de son âge – t'es sûre que papa n'était pas un sorcier ? Et puis, ça existe les gens normaux qui ont des pouvoirs. Ça s'appelle des né-moldus. » Pointe de fierté dans la voix de la fillette. Quand elle a commencé à côtoyé le monde magique, par le biais de son cousin, elle l'a inondé de question – comment ? Pourquoi ? Où ? Elle voulait tout savoir.
Mais sa mère n'est sûre de rien. Elle ne peut pas lui dire qu'elle a peut-être une chance d'être sorcière alors que rien n'est moins sûr. Mais elle ne peux pas détruire non plus les rêves de la petite fille comme ça. Alors elle hausse les épaules.

« Non je suis pas sûre. Qui sait, tu nous réserves peut-être une surprise, et tu seras une petite sorcière formidable. »

Kendra n'est sûrement pas convaincue par cette réponse qui n'est ni un oui, ni un non, une vague réponse pour clore la conversation. Mais elle hoche sagement la tête et mets la table : elle est persuadé, d'ici quatre ans, elle aussi, sera une sorcière. Elle se sentirai bien bête si elle se retrouvait à onze ans, sans lettre de Poudlard. En attendant, elle continue de s'entraîner à tenter de lancer des sorts avec une baguette qu'elle s'est fait elle-même – qui sait, oui, un jour peut-être que quelque chose se produira.

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Kendra scrute la Grande Salle alors qu'elle est dans les rangs pour passer sous le Choixpeau. Elle vient d'avoir onze ans, un mois avant la rentrée et il y a seulement deux mois qu'elle a découvert ses pouvoirs. Elle a presque poussé un soupir de soulagement quand elle a falli mettre le feu à la cuisine du restaurant où travaille sa mère, et un autre soupir de soulagement quand le hibou avait déposé sa lettre pour Poudlard.
Mais des yeux, Kendra cherche son cousin, pour pouvoir – une fois la cérémonie terminée – lui dire avec fierté « t'as vu, moi aussi je suis une sorcière ! ». Mais parmi tout ces élèves elle ne le trouve pas et reprends sa conversation avec une autre fillette qu'elle a rencontré dans le train. Elle trépigne alors que quelques personnes passent avant elle. Elle n'écoute que d'une oreille distraite tout ce qui se passe.

Puis bien vite, vient son tour - « Austen Kendra ! » fait le professeur McGonagall – et la petite fille n'hésite pas, sort du rang et va s'asseoir sous l'antique chapeau. Elle balance ses jambes sur le tabouret, en attendant le choix fatidique : Gryffondor, Serdaigle, Serpentard ou Poufsouffle ? Intérieurement, Kendra est rassurée de ne pas avoir à elle-même faire ce choix.

« Poufsouffle ! » Le Choixpeau déclare finalement, au bout de quelques millièmes de secondes, que Kendra a ressenti comme cinq minutes. Il ne peut pas aller plus vite, ce fichu vieux chapeau ?

Elle sautille presque jusqu'à la table des jaunes, Kendra. Au passage ses yeux se posent sur un visage familier, à la table des Serpentards, un certain Whitelaw, et elle agite la main avec un large sourire. Elle a toutes les raisons d'être heureuse ; elle est dans une nouvelle école, avec probablement des amis à la clé. Elle est une sorcière. Son cousin est dans la même école. Non, vraiment, elle ne peut rêver mieux – du moins pour l'instant.

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Poudlard c'est bien, c'est même très bien. A seize ans, Kendra aime Poudlard comme sa deuxième maison. Bien sûr, le monde moldu lui manque, atrocement, mais heureusement, Kendra se jette à corps perdu dans les études pour faire passer ce manque. Poudlard est trop loin de tout, loin des villes, loin de la modernité.

« Tout est super vieillot quand même. On pourrait penser que les sorciers auraient l'idée de mélanger, j'sais pas, les nouvelles technologies à la magie. Ça ferait des trucs cool, tu penses pas ?
— Kendra, tu penses trop. »

La métisse hausse les épaules. Ici, elle est forcée de choisir le monde magique en dépit du monde moldu, et à part quelques autres élèves né-moldus, personne ne semble comprendre pourquoi. L'autre jeune fille se blottie contre elle, devant le feu de la cheminée, et Kendra passe distraitement sa main dans les cheveux de la Poufsouffle, continuant de réviser son cours de métamorphoses.

« Tu penses à quoi ? Pas à l'autre j'espère ? » fait-elle avec une pointe de jalousie dans la voix. L'autre, c'est le copain de Kendra. Et c'est la copine de Kendra qui demande ça. Kendra replie le parchemin.

«  Tu sais, si tu n'es pas à l'aise avec ça, je ne te force pas à être avec moi. Je t'avais prévenu avant qu'on se mette ensemble. Mon intention, c'est pas de te mettre mal à l'aise. Mais si tu veux que je te réponde, non, je ne pensais pas à lui, je pensais plutôt à mon cours de métamorphoses –
— Mais je ne te comprends pas. Comment tu peux aimer deux personnes ? Comment c'est possible ?
— Je suis comme ça, c'est tout ? » Nouveaux haussements d'épaules, un peu vexée. Elle retire son bras de l'épaule de la jaune, se lève sans plus attendre.

« En fait, tu n'as juste pas envie de choisir, c'est ça ? Je sais que j'ai dis que j'étais d'accord, mais enfin, comment je peux être sûre que tu m'aimes vraiment moi ?
— Hm ? Pardon, désolée, j'écoutais pas. - La jeune poufsouffle lui jette un regard outré –  désolée. Je vais me coucher, à plus tard. »

Kendra ramasse ses parchemins en vrac, s'arrache à la jeune fille et monte quatre à quatre les escaliers qui mènent au dortoir. Elle se jette sur son lit, ferme les yeux. Non, mais, Kendra n'a forcé personne et était très claire dès le début : elle n'aimera jamais qu'une seule personne, qu'un seul genre ; si elle n'est pas capable d'accepter ça … Eh bien, ça l'embête de l'admettre, mais ça ne peut pas durer longtemps.

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Kendra enfile sa veste, prends les commandes à livrer dans le secteur. Elle prends les clés du scooter prêté par le restaurant, embrasse sa mère sur la joue.

« J'y vais m'man, je reviens dans, allez, cinq minutes gros max.
— Kendra ? Est-ce qu'on pourra parler quand tu reviens ? - l'expression soucieuse sur le visage de sa mère ne la rassure pas.
— Euh, oui ? Bon, j'y vais. »

La jeune femme sort sans plus attendre du restaurant : pour quelle raison sa mère veux lui parler ? Elle n'a rien fait de mal, ne s'est trompé dans aucune commande récemment, elle en a même livrer plus que prévu. Kendra a l'esprit ailleurs quand elle sonne aux portes, quand elle réponds avec un sourire « passez une bonne journée ! » Quand elle rentre finalement – après cinq minutes et dix secondes, d'après sa fidèle montre - elle file directement dans la cuisine, où sa mère l'attends.

« Donc, me revoilà ? Fais vite, après, je vais déposer un CV dans un journal – on sait jamais, même si mon CV est affreusement vide, je pourrais peut-être décroché au moins un stage comme la dernière fois - - pardon, tu voulais me dire quelque chose, c'est vrai.
— Justement, c'est à ce sujet. Je sais ce que tu veux travailler dans un journal mais... Pourquoi ne pas tenter dans le monde sorcier ? Au moins, tu seras sûrement plus qualifier qu'ici, tu sais. »

Kendra grogne. Non pas que le monde sorcier ne lui plaise pas, au contraire. Mais elle aime se mêler à la foule, elle aime prendre les transports aux heures de pointes. Travailler dans le monde sorcier... Les deux côtés ont leurs avantages, et inconvénients.

« M'ouais. Mais j'aime bien habiter côté moldu.
— Rien ne t'en empêche tu sais. Tu peux mettre l'argent que tu gagnes au restaurant de côté et avoir un appartement à Londres, mais travailler dans le monde sorcier ? » Les mamans ont toujours de bonnes idées. Kendra a bien envie de lui sauter au coup pour la remercier de cette idée – pourquoi diable n'y a-t-elle pas penser avant ?
Kendra sautille sur place. Elle embrasse sa mère sur la joue, sa journée est illuminée : pouvoir faire ce qu'elle aime, un pied dans chaque monde, comme d'habitude.

« Oh, maman, je t'aime tu sais. Comment je ferais sans toi, dis moi ?
— Je t'assure, tu te débrouillerais très bien. »

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Kendra a vingt trois ans. Kendra vit à Londres, dans son propre appartement depuis maintenant deux ans. Après avoir économiser et travailler durement à plusieurs endroits – la librairie au-dessus de laquelle elle habitait avant, mais aussi au restaurant, avec sa mère – la jeune asiatique s'est constitué un fond d'argent suffisant pour payer le loyer de son appartement au cinquième étage d'un immeuble récent, au centre du Londres moldu.
Kendra a finalement obtenu un travail à la Gazette du Sorcier, quasiment en même temps que son propre appartement. Elle fait de son mieux pour être objective et neutre, quand bien même certains événements lui donnerait de s'offusquer publiquement ; mais l'information d'abord, pour tous, c'est le mot d'ordre qu'elle s'acharne à appliquer le plus possible.