Cet étage, c’est vraiment la hess. La divination, elle a jamais été fan, elle ce qu’elle aime, c’est les étoiles. Le reste elle n’y comprends rien mais surtout elle s’en fout. Alors souvent (je veux dire, souvent) elle se faufile comme une voleuse à l’étage au dessus, feignant d’appartenir aux parois meme de cette structure qui renferme autant de merveilles que de babioles aux definitions soporifiques dont elle ne supporte plus l’écoute, qu’elle subit pourtant une dizaine de fois par jours, et qui la poussent même parfois à saluer approximativement ce collègue répugnant qu’on a à la botte malgré les intarrissables remarques disuasives plus ou moins piquantes. Assise sur sa chaise dont le confort précaire donne aussitôt envie de partir faire un tour, elle passe ses heures de surveillance à observer les gens. C’est comme un long voyage en voiture, ou écouter de la musique, ou lire sans se rendre compte que olala ça fait déjà mil ans. Et là elle décroche. Dans un Univers parallèle elle scrute des fantômes, ne calcule même plus sa propre présence tellement son esprit est paisible.

C’est des ombres qui traversent maintenant sa tête. Ce genre d’ombres très douces aux contours estompés sur le sol, les ombres du début du printemps, quand le Soleil poind timidement avant d’inonder les rues d’été et de faire se réfugier les vieux du quartier moldu dans des foyers climatisés. Cette chaleur, ma pauvre dame ! C’est le cerveau de Pia qui fond, plic, ploc, il dégouline et une flaque rosâtre ne tarde pas à se former sur le sol. Son corps est crispé sur la chaise, mais ses pensées sont à l’étage au dessus. Et des fois, elle les suit, ne pouvant résoudre son séant à subir une minute de plus la torture éprouvante du trône N°35476387 de la série NÖRRJE. C’est alors qu’elle s’échappe par les escaliers de marbre, évitant soignesement de croiser quiconque travaillerait ici. Parce que quand Pia emprunte ce chemin, c’est l’oeil brillant et l’oreille tendue, enthousiasmée par l’idée de gravir ne serait-ce qu’une marche supplémentaire. On la remarquerait dans un foule  -  celle qui ne peut s’empêcher de bouger son pied sur son rythme intérieur, qui parlerait pendant des heures du même sujet, fidèle au club select des gens passionnés, ceux qui sont proches de l’obsession. Quand on est comme Pia on ne s’inquiète pas de se trouver seul, car de nuit comme de jour, on transporte avec nous nos rêves, certains dans nos sacs à dos, certains dans nos veines. Celles de Pia flamboient au travers de sa peau claire ; des aurores boréales.

C’est par une de ces après-midi de garde mortellement ennuyeuses que Pia, vagabondant non loin du siège maudit, allongeant les mètres qui les séparaient, qu’elle est rentrée dans Simon. Boum, littéralement, coup d’épaule sauvage surgit hors des hautes herbes. A - se taire et essayer de disparaître avant de poursuivre son itinéraire, B - CA ALORS MAIS SIMON C’EST FOU ! Le collègue relou traînant dans le coin, il était plus sage d’opter pour la seconde solution, permettant une esquive facile (et puis Simon, il était gentil).

 -  Tiens bonjour toi !

Pia rougit et se mit à tripoter ses doigts (à elle hein pas à Simon, imagine…) ne sachant quelle attitude adopter face à ce sympathique individu qu’elle n’avait plus revu depuis… Depuis… (quand même en plus il est mignon, faisons bonne mesure, rougissons davantage)

Après tout les ennuis qu'il avait eu la dernière fois qu'il était venu au musée, Simon ne pensait vraiment pas y remettre les pieds. Après tout, on avait tenté de voler son fils ici. L'histoire s'était heureusement bien terminé, mais il avait tout de même au assez peur pour son fiston qui lui, semblait ne s'être rendu compte de rien. Certes, tout cela c'était déroulé il y a un peu moins d'un an, mais quand même. Il n'avait pas remit les pieds ici depuis. Il avait été bien trop occupé. Il y avait eu l'histoire de la forêt au Japon, celui de la mère de ses enfants qui avait refait surface, le meurtre et... En fait le temps était passé vite. Et pour se changer les idées (de plus en plus sombre depuis la tragique journée où un corps avait terminé au fond de la tamise) il était venu ici. Il s'était acheté une glace, et, assit sur un siège, regardait les gens passer devant lui. Oui oui, manger ici était interdit, normalement. Mais l'étage consacré au objet moldu des années soixante dix et quatre vingt n'était pas vraiment surveillé. Tandis qu'il lécher son sorbet framboise, qu'il épiait les gens qui regarda le plus vieux téléphone du monde (ou un truc dans le genre, il était pas expert) il se demandait comment il avait fait pour en arriver là. Après tout, il était censé bosser aujourd'hui. Mais non, monsieur avait décrété que lécher une glace dans un musée en regardant les gens était bien mieux. Il termina sa boule, et jeta le cornet dans la poubelle la plus proche. Il ne mangeait jamais les cornets, c'était pas bon. Il avait l'air d'un sacré coincé assit là comme ça, sur son banc vide. Un dame vint justement s'asseoir à côté de lui. Son première réflexe fût de se lever aussitôt. Le deuxième, de lui jeter un regard mauvais, comme si le fait qu'elle s’asseoir revenait à lui rendre sa journée pourrie et le troisième, il tourna les talons et se barra, tout simplement. Il marcha de longue minutes sans vraiment faire attention où il allait quand on lui rentra dedans. Il n'était pas d'humeur bavarde aussi, il ne lâcha pas d'injures ou de choses dans le genre.

-  Tiens bonjour toi !

Il leva la tête. C'était une blague ou... Il la connaissait celle là. Oui, ce regard plus la voix, c'était bien elle, une vieille connaissance du château. Bonjour toi ? Elle travaillait ici ou... Ou le gars qui se trouvait à quelques mètres d'elle était juste un de ces types relou agaçant qu'on avait pas envie d'avoir comme collègue ? Les deux peut-être. Il la regarda quelques secondes, elle rougissait à vu d'oeil mais elle avait de la chance, c'était le genre de chose que Simon ne comprenait pas ou en captait jamais, au choix.

- Pia ! Ça fait longtemps dis donc ! Qu'est ce que tu deviens ?

Il cassait tout, avec son don habituel pour... Bref. Ne sachant pas vraiment comment réagir, il la serra brièvement dans ses bras (en se demandant vraiment au passage pourquoi il faisait ça) et croisa le bras sur son torse.