Si Romy avait été sympa, elle serait née avant noël. Mais le ventre de Lily était bien trop confortable, si bien que la pauvre dû attendre quelques jours après son terme pour enfin accoucher. Baleine naviguant dans l’appartement Oaken en râlant de déconfort, la jeune maman tournait en rond sous les regards presqu’apeurés de son époux et de son fils ainé âgé de seulement quatre ans, Abel. Marley, le papa, avait fini par prendre les manteaux de tout le monde pour les balancer dans les bras de leur propriétaire respectif.
« On sort. »
C’est ce qu’il avait dit avant de tous les amener à Londres pour prendre l’air pollué de la ville et faire taire sa femme qui se noyait sous les hormones. Comme si Romy avait compris cet ordre (avec un peu de retard), le travail commença en plein milieu de Fleury & Bott… Bref, l’accouchement fut un brin sport, mais au moins la jeune maman avait arrêté de grogner ce qui était un soulagement pour tout le monde, et surtout pour elle. Leur petite fille fut appelée Romy, parce que, comme le lui expliqua un jour son père, Lily avait regardé tous les films de Sissi (période de Noël oblige) et qu’elle adorait Romy Schneider (SUPER, merci les parents). Cela lui valut le surnom de Sissi, ce qu’elle déteste formellement.
Bébé, Romy avait mené la vie rude à ses parents. Et pour cause, non seulement elle n’avait fait ses nuits qu’à dix mois mais en plus elle avait souvent été malade. Avec le temps, le sommeil et la santé de la petite s’améliorèrent si bien que c’était presqu’un plaisir de s’occuper d’elle. Enfin un plaisir… quand ils n’avaient pas à changer sa couche, à lui courir après ou à faire attention à ses moindres gestes de peur qu’elle fasse tombé le vase de grand-mère Betsy.
La petite famille avait fini par trouver un bel équilibre. Lily avait pu reprendre son travail à l’école primaire moldue du quartier, alors que Marley avait réussi à avoir une petite promotion au Ministère. A 3 ans, Romy rejoint son frère à l’école maternelle moldue. C’était un choix de Lily, elle voulait que ses enfants connaissent au moins quelques années de la vie moldue.
Elle ne se souvient pas vraiment de sa mère. Selon Abel, elle était gentille, sauf lorsqu’on touchait à sa collection de cartes postale. Elle se souvient par contre très bien du moment où on lui avait appris qu’elle était morte. Et pour cause, cela avait été accompagné d’une crise de colère noire. C’était son père, suivi de près par Abel qui jouait au grand, qui la lui avait annoncée. Elle n’avait rien demandé parce qu’elle les avait vus arriver avec leurs mines graves. Et s’il y avait une chose qu’elle avait déjà compris, c’était à se tenir à carreau quand ils avaient cette tête-là. Alors elle continua de jouer avec sa poupée comme si de rien n’était. Marley la lui avait enlevé des mains délicatement ce qui lui avait valu un regard noir en échange comme Romy sait si bien les faire. Son ton avait été doux, ses mots simples.
« Maman est morte Romy. Maman ne reviendra pas. »Trois secondes plus tard, après une analyse détaillée en thèse/antithèse/synthèse de ce qu’il venait de dire, Romy comprit qu’elle se trouvait dans la même situation que lorsque son chat, Sigmund, avait disparu. Mais histoire d’être bien sûre, parce qu’à 4 ans on n’est pas non plus une flèche, Romy avait préféré demander confirmation.
« Comme Sigmund ? »« Oui, comme Sigmund » avait-il confirmé.
La petite fille fit une pause où elle fronça des sourcils de contrariété. Marley crut qu’elle allait se mettre à pleurer mais elle avait soudainement affiché un sourire lorsqu’une idée fabuleuse lui traversa l’esprit. Mais pour en être sure, la fillette devait poser une nouvelle question et ce n’était jamais ça qui l’avait freiné jusqu’à lors : Elle posait tout le temps des questions.
« Et elle ira aussi au paradis des chats ? Elle verra Sigmund là-bas ? »« Non, elle est au paradis des humains. »Espoir anéanti. Dézingage de projet en bonne et due forme. Tueur de rêve.
« Oh, dommage. Ca aurait été bien parce qu’il aurait pas été tout seul là-bas comme ça. »Sur le coup, elle n’avait pas compris pourquoi Abel avait réagi à cette remarque. Certes maintenant elle se savait que ce qu’elle avait dit était insensible… Penser à un chat plutôt qu’à sa mère… mais elle n’avait que 4 ans à l’époque ce qui excusait beaucoup de chose. Qu’est-ce que l’on sait de la mort à cet âge. Quoiqu’il en soit, son grand frère lui avait presqu’hurlait dessus, en même temps, lui aussi avait perdu sa maman.
« T’es vraiment trop bête toi ! On te dit que maman est morte ! »
« Abel ! » Marley, lui, s’était retourné vivement vers son fils et affichait un regard contrarié.
Romy, énervée par l’insulte de son frère, avait répliqué avec toute la maitrise d’une enfant.
« Non c’est toi qui est bête ! »Reretournement du père qui ne savait plus où donner de la tête entre ses deux enfants. Le premier n’avait que trop compris que sa mère n’était plus, la seconde c’était tout le contraire.
« Romy ! »Et pendant ce temps, Abel en avait profité pour partir en courant après avoir tiré la langue à son insensible de petite sœur. Marley lui avait couru après. Clairement ce n’était pas Romy qui avait le plus besoin d’attention à cet instant précis.
« Abel, attend ! »La petite blondinette s’était contentée de reprendre sa poupée et de poursuivre son jeu. Elle murmura d’un ton renfrogné dans sa barbe invisible, comme pour clore la conversation.
« J’suis pas bête, c’est lui qui est bête avec sa tête de… de… gnome. »Lily était morte d’un banal accident de voiture. Dans tous les cas, Romy s’était vite habituée à l’absence de sa mère, non sans mal, mais plutôt rapidement. Même si elle n’avait pas vraiment compris ce qu’avait voulu dire son père lorsqu’il lui avait annoncé la mort de Lily, la fillette le comprit bien après. Lorsqu’elle eut fait un cauchemar la nuit, lorsqu’elle eut fait mal à vélo ou en tombant. Lorsqu’elle avait eu besoin de réconfort. Mais d’autres avaient remplacé celle qui était partie, si bien que Romy ne s’est pas construite autour de cette absence maternelle.
Lorsqu’elle entra à Poudlard, la blondinette fut envoyée chez les Poufsouffles, plus ou moins au grand damne de son père. Non pas qu’il n’ait quoique ce soit contre les noir et jaune, mais il s’attendait tout de même à mieux de cette fille qui rompait la tradition familiale d’être envoyé à Serdaigle. Néanmoins, une fois la pilule avalée, Marley se rendit bien compte que le fait que sa fille soit à Poufsouffle ne l’empêchait pas d’être une bonne élève. Alors soit, de toute manière :
« Je n’y peux rien » comme il le disait si bien.
Romy eut une scolarité plutôt normale. C’était une fille pas spécialement populaire, mais avec un bon groupe d’amis avec qui elle rigolait bien. Ils se voyaient même durant les grandes vacances, ce qui lui laissera toujours de bons souvenirs de cette période-là. Loin de faire les quatre cent coups, la blondinette était plutôt sage et sans problème. Elle avait eu ses examens. Elle avait connu ses premiers amours et ses premiers chagrins.
Une fois sa scolarité à Poudlard terminée, Romy décida de suivre des études de Médicomagie. Au début elle était plutôt motivée et se voyait bien sauver des gens à coup de savoir. Elle se l’imaginait déjà : dans toute Sainte Mangouste résonnerait l’appel
« Le Médicomage Oaken est demandé de toute urgences, le médicomage Oaken, c’est une question de vie ou de mort ». Son père aussi se l’imaginait, omniprésent dans les questions d’éducation, il avait plus qu’approuvé ce choix. Contente de lui faire plaisir, il l’avait réconforté dans cette voie. Ses anciens professeurs, eux, étaient sceptiques. Certes Romy n’était pas une mauvaise élève mais ils avaient douté de sa capacité à suivre ces études réputées dures. Ils avaient bien eux raison, mais elle avait toujours été têtue. Cependant, la blondinette avait bien vite déchantée.
Espoir anéanti. Dézingage de projet en bonne et due forme. Tueur de rêve.
Elle détestait la Médicomagie. Non seulement elle n’aidait personne, mais en plus elle était tellement stressée par ses exam qu’elle s’était mise à réviser non-stop – même une bonne partie de la nuit. Au début elle n’y voyait pas d’inconvénient. C’était le prix à payer pour faire ce qu’elle pensait être un beau métier. Mais très vite, elle n’eut même plus le temps pour ses amis. Le seul moment qu’elle se prenait était le déjeuner dominical, passé avec son père et son frère, qui était toujours une dure épreuve pour la jeune femme. Abel, lui, réussissait bien ses études d’architectomage. Elle, c’était autre chose et Marley avait toujours mis la barre très pour ses enfants. Ce n’était pas par méchanceté ni par fierté, le père voulait juste être sûr que sa progéniture ait les bonnes cartes en main pour leur avenir.
« La réalité de la vie oblige ». Le fait était que les paroles de Marley avaient un effet très particulier sur la jeune femme : Du stress à foison. Après tout, qui voulait décevoir son père ?
L’ancienne Poufsouffle réussit néanmoins à atteindre - très difficilement - sa troisième année de Médicomagie, qui fut d’ailleurs la dernière. Elle aurait dû le voir venir. Pendant son stage c’était limite si elle n’avait pas mal au ventre tous les matins en allant travailler. Ceci était dû à un fin mélange entre patients exécrables, pression démesurée, insomnie et maître de stage tyrannique. Jusque-là Romy avait réussi à prendre sur elle mais comme tout être humain elle avait ses limites.
La jeune femme se souvient encore de cette voix criarde qui rythmait ses journées à coup d’ordres dissonants.
« Miss Oaken, pouvez-vous – et cette fois-ci correctement- vous occuper de Mr. Woods ? »
Il avait un ton de dédain flagrant dans cette voix insupportable. Romy, six pieds sous terre, les mains tremblantes, tentait tant bien que mal de finir son mélange de potion. Elle pensait à tout ce que ce tyran à cape lui avait demandé et qu’elle n’avait toujours pas eu le temps de faire. En retard, en retard, elle était en retard.
« Je ne sais pas si c’est dans vos cordes, vu qu’hier vous vous êtes de nouveau tromper dans son traitement… »« Ca ferait pas de mal qu’il en crève ce vieux croulant, ça assainirait l’univers. », pensa-t-elle avant de s’en vouloir aussitôt. Elle était devenue limite aigrie. Ses oreilles bourdonnaient d’un énervement qui commença à monter doucement et qui allait suivre une jolie exponentielle bien tracée.
« Cependant, étant votre encadrant, je suis bien obligé de vous demander de faire quelque chose. Après toutes vos journées ne sont pas trop chargées non ? »« Nooooooonnnn. Pas chargées, du tout. » Romy prenait sur elle mais ça commençait à en être trop pour sa petite tête blonde. Elle se souvient qu’elle en avait presque la vision brouillée de colère.
« Vous savez à mon époque, ce n’était pas comme ceci, vous ne vous rendez vraiment pas compte de la chance que vous avez. »« Sers les dents Romy, sers les dents, ça va passer. » Alors qu’elle tentait le tout pour le tout afin de se contrôler, la voix poursuivait, inlassable.
« Après, vous me ferez le plaisir de changer le bandage de Miss Newport, puis de me rejoindre salle 5 pour le diagnostic de la nouvelle arrivée. Ah, et vous descendrez me chercher les analyses du patient en salle 13. »Burn out.
Elle avait été prise d’un excès de rage sans nom et avait pris le premier truc qui lui avait passé par la main – une fiole de « elle ne savait même pas quoi » en l’occurrence – et l’avait explosé sur la tête de son maitre de stage. Lui en était tombé à terre de surprise, alors qu’elle s’était mise à hurler, la main toute ensanglantée.
« LA FERME ! LA FERME ! LA FERME ! »Rouge de rage, elle avoue ne plus trop se souvenir du reste. Elle croit bien que des personnes étaient venues, surement alarmées par ses cris. Ils avaient dû lui lancer un sort pour la calmer d’après ce qu’on lui a raconté. Ils n’avaient pas réussi à la contrôler, a priori elle s’était débattue comme une lionne.
Elle se souvient juste que lorsqu’elle est sortie de son brouillard, elle était allongée sur un lit dans une chambre de Sainte Mangouste et que son frère était là. Il la regardait d’un air inquiet sans qu’elle sache vraiment pourquoi. Puis elle avait eu un flash qui la fit se redresser d’un coup. « J’ai pas fait ça ? J’ai pas explosé un truc sur la tête de mon encadrant quand même ? ». Et si Romy, tu as bien fait ça.
« Ca va Sissi ? »« M’appelle pas Sissi. »La réponse était presqu’automatique. Tout comme Abel appelait automatiquement sa petite sœur Sissi pour l’énerver. Pourtant ce n’était pas le moment de l’énerver, les médicomages le lui avaient bien dit.
Un long silence s’installa entre les deux Oaken. Pendant ce temps Abel gigotait, ne sachant pas comment se tenir ni trop quoi dire. Au final, il n’avait rien trouvé de mieux que de demander le pire.
« Pourquoi t’as fait ça ? T’es pas bien Romy, il aurait pu y perdre un œil le type. »Elle tourna vivement la tête vers lui, avec un regard de folle furieuse. Les larmes lui montèrent aux yeux alors qu’elle faisait face à la totale incompréhension de sa propre famille. Le nœud de son estomac se fit plus intense alors qu’elle devait trouver les mots pour lui expliquer. Et comment en parler sans pleurer et sans se crisper ? Impossible.
« Et merde Abel ! Ce mec est horrible ! Il arrêtait pas de me dire que j’étais une bonne à rien, que j’avais de la chance parce que « pour nous c’est facile », que je glandais rien de mes journées ! Et fais ça, et après ça, et ca et CA ET CA ET CA ET CA ! Je suis pas une machine merde ! Je peux pas tout faire ! Et puis ce type, c’est un enfoiré ! Et si le monde était bien fait c’est une centaine de fioles qu’il se serait pris dans la tronche ! Je pouvais plus l’écouter, je pouvais plus !»Elle aurait pu continuer comme ça un moment si Abel ne l’avait pas prise dans ses bras pour qu’elle se calme, il faillit par la même occasion se prendre un coup de poing car Romy gesticulait énergiquement dans tous les sens. En larmes, elle lui ruina son tee-shirt de morve et d’eau salée.
« Wowowooo, calme toi Romy. C’est pas grave, il a pas perdu son œil. Papa s’est occupé de tout, il portera même pas plainte. »Et sa fabuleuse carrière de Médicomage s’arrêta là.
Romy avait vécu chez son frère pendant quelque temps, et ses journées étaient bercées de tranquillité bien méritée et de visites chez le psychomage. Ces dernières lui avait été imposées car la jeune femme pouvait soit disant être « dangereuse pour autrui ». Elle, elle pensait surtout avoir besoin de repos, et pour cause, quand elle sortit de Sainte Mangouste, elle avait dormi presque 24 heures d’affilées.
C’est néanmoins son psy qui lui conseilla de « redéfinir ses priorités », ce à quoi Romy s’attela via une grande remise en question de presque tout. Un travail sur elle-même sous forme de ménage de printemps en plein hiver. La blondinette avait trouvé ce conseil brillant, c’est pour cela qu’elle le prit au pied de la lettre. Pleine de bonne volonté, et d’envie de trouver le secret de son bonheur, Romy ne se limita pas à une simple réflexion sur son futur, mais l’avait étendue à tout son être. Ce n’est que comme ça que la jeune femme se rendit compte qu’elle ne voulait pas d’un beau métier prestigieux comme les aime son père. Par extension elle comprit qu’elle n’avait pas forcément à satisfaire le désir paternel.
Son frère était plus intelligent qu’elle ? Soit, il en fallait bien un. Elle avait échoué ? Ca arrive. Ce qu’elle voulait ? Peut-être bien qu’elle voulait vivre de nouvelles et belles expériences. L’ancienne Poufsouffle avait alors décidé de faire un tour d’Europe. Question aventure, elle serait servie.
Un beau matin elle était partie, sans prévenir son psy et contre l’avis de sa famille qui la pensait encore trop fragile. Ils l’avaient toujours pensé fragile mais après son burn out ils ne s’étaient plus cachés pour le dire. Romy était allée retirer l’argent de son héritage maternel et elle était partie, direction la France pour commencer et après elle verrait bien où le vent la mènerait. Vivre au jour le jour semblait être une bonne idée.
Ce n’est qu’un an et demi plus tard qu’elle revint en Angleterre - en une seule pièce, pas si fragile que ça la petite hein ? - affublée d’un chien un peu taré qu’elle avait nommé Puck. Ravie de retrouver sa terre natale, Romy semblait aller bien mieux. Elle avait des projets, loin de ceux que sa famille attendait, mais tout de même : Un appart, un travail plutôt tranquille en attendant de voir… Le temps de se trouver un boulot - elle postula un peu partout dont à Poudlard pour y être surveillante - elle squatta chez son frère qui était bien trop content de retrouver sa petite sœur. Après cette longue année sabbatique, elle semblait avoir la tête sur les épaules, pleine de belles paroles et surtout complétement vide d’ambition ce qui contribuait en grande partie à son bonheur. Marley et Abel n’en étaient que plus inquiets pour elle, mais ils se gardaient bien de le dire. Après tout, ils la pensaient fragile.