La tactique était simple, presque enfantine.

Eloigner la fille lovée contre son torse, lui expliquer le cœur du problème, et le forcer à coopérer l'air de rien. Depuis vingt bonnes minutes, la blondinette planchait, cachée derrière un exemplaire de Sorcière-Hebdo lu et relu, sur sa machination la plus difficile du jour : convaincre Galaad Neil Stomby de faire avec elle le devoir de Potions qu'ils étaient sensés avoir déjà fini pour le lendemain matin. Ca faisait une semaine qu'elle avait voulu s'esquiver, mais aucun moyen d'y arriver autrement que de coopérer avec ce qu'elle considérait comme « le danger humain » - s'il avait su, peut-être son camarade aurait-il été fier de l'image attribuée -.

Sybella referma d'un coup sec le magazine, se releva et se dirigea innocemment vers sa cible, ne regardant pas où elle allait. Elle attrapa au passage discrètement un encrier qu'on avait du oublier là, et n'eut pas besoin de plus de deux secondes pour mimer avec un certain brio la chute bien malencontreuse d'une quantité d'encre phénoménale sur la jeune sixième année qui accaparait Galaad. « Oh lalalalala, vraiment désolée ! » feignit de s'inquiéter Sybella, la bouche en cœur. Sortant sa baguette, elle dirigea celle-ci d'un air beaucoup plus menaçant qu'avenant vers le chemisier tâché d'un noir profond de la sixième année, qui avait maintenant une tête d'enterrement. « Tu veux que je t'arrange ça ? » Ou comment suggérer de déguerpir en toute subtilité. Non merci, ça va aller, j'devais y aller de toute façon, marmonna hautainement l'intéressée en considérant son chemisier fichu, saluant vaguement le Serpentard qu'elle couvait de ses attentions les plus cajoleuses cinq secondes auparavant pour s'en aller « les mains vides ». Une mine visiblement satisfaite sur le visage, l'irlandaise rangea sa baguette et reporta toute son attention sur le jeune homme à présent seul. « Stomby, faut qu'on parle. »

Boum. Sa voix était aussi métallique que possible, et au fond d'elle Sybella faisait un effort surhumain pour ne pas partir en courant comme une gazelle coursée par un lion féroce. Après tout ce temps passé à fuir soigneusement Galaad Stomby, elle devait admettre que se forcer à lui adresser la parole pour réaliser ensemble un devoir écrit avait un petit côté ironique particulièrement drôle … Sauf pour elle bien sûr.

La septième année s'entendit parler avec l'impression de ne pas vraiment contrôler ce que sa bouche disait. « Rogue nous a mis en binôme la semaine dernière. Tu sais, pour la rédaction à rendre pour demain. » Oh, demain ! C'est-à-dire, précisément, dans moins d'une journée. Merci madame Anxiété pour la piqûre de rappel. Décidément, le timing chez Tyrel, c'est un truc inné. « Faudrait peut-être qu'on pense à le faire. A deux. » LE DEVOIR. Arrête de penser à n'importe quoi ... « Parce que tu vois, j'ai vraiment envie d'avoir mes ASPICs cette année. » Contrairement à toi, toi qui ne fais rien, qui te moque de tout, et cette façon agaçante que t'as de remettre tes cheveux soyeux en place genre tout ça m'indiffère, je suis le beau gosse de ces dames et je décrocherai mon année à la force de mes biceps … Syb', reprends-toi, bon sang, tu t'égares. Sa moue déjà moyennement enjouée se renfrogna mystérieusement, et elle reprit sans laisser trop le temps à son camarade de se défendre ou de refuser. « Et puis de toute façon c'est pas comme si t'avais le choix, j'aurai aucun scrupule à te balancer au prof' si tu veux pas faire le devoir avec moi, donc maintenant Stomby tu te lèves, tu prends tes affaires et on va à la bibliothèque. »

Le mot fatal avait été dit : même elle n'en revenait toujours pas alors qu'ils arpentaient maintenant les couloirs des cachots, puis les escaliers, pour se diriger vers ce haut lieu de travail et de sérieux. Parce qu'il l'avait suivi, en plus, Galaad. C'était tellement étrange d'imaginer les deux Serpentards bûcher communément dans le repère de Mrs Pince qu'elle aurait pu en rire nerveusement. Heureusement qu'il y avait le silence gênant qui flottait entre eux pour lui changer les idées !

Ils atteignirent enfin leur destination et comme prévu, les quelques élèves qui les aperçurent à l'entrée crurent défaillir – d'étonnement, d'amusement ou de choc -. Tout ça passa bien au dessus du petit crâne de Sybella qui avança entre les rayonnages à la recherche d'une table libre, au calme, qu'elle finit par aviser quelques mètres plus loin. Toujours sans un mot, elle prit juste la peine de vérifier que Galaad ne s'était pas déjoué d'elle pour s'enfuir devant l'horrible endroit, et lui désigna brièvement la table. Puis la blonde s'assit, sortit avec application de quoi écrire, une plume bleue nuit, un encrier … et se racla la gorge. « Voilà. Donc … Les effets des poisons issus de venins et leurs antidotes. » Le silence qui suivit ses paroles rendit plus réel que jamais la gêne de l'instant. Cacher le malaise en urgence : la blonde toussota, les yeux ostensiblement vissés sur le parchemin immaculé devant elle. « Hum. Une idée ? » Non non, elle ne parlait pas à sa plume ou à son encrier, mais bien à Galaad.

Il n'était pas nécessaire de préciser à son camarade qu'elle était lamentable en Potions. Après tout, le dernier Troll dont elle avait écopé dans la matière se suffisait à lui-même … Non ?

La situation était plus que surprenante. Et ce n'était pas uniquement parce que lui, Galaad Stomby himself, se trouvait dans la bibliothèque de Poudlard.

Tout avait commencé dans la salle commune. Il était tranquillement occupé à ... discuter, avec une fille de sixième année, qui avait visiblement autant de vues sur lui qu'il en avait sur elle, quand Sybella était arrivée. De la manière la plus naturelle qui soit, bien sûr : en renversant de l'encre sur sa target du jour - ou, allez, de la semaine. Un accident qui aurait presque pu paraître crédible sans son « Stomby, faut qu'on parle », encore plus menaçant que la baguette qu'elle avait pointée quelques secondes plus tôt sur une sixième année - qui avait soudainement décidé que les beaux yeux de Galaad ne valaient peut-être pas un trou en plein milieu de la poitrine.

Sybella souhaitant lui parler. Rien que ça. Pour qu'elle ait l'air aussi grave, il devait au moins s'agir de quelque chose concernant Lucas Drifloon. Le simple fait qu'elle l'ait approché d'aussi près relevait de l'annonce du retour du Seigneur des Ténèbres - rien que ça. Oui, parce que depuis une soirée où - l'alcool ayant sans doute autant aidé que son sourire - ils avaient fini dans le même lit, Tyrell l'évitait avec à peu près autant de soins que s'il avait été un Scroutt à pétard en colère. Et ses tentatives à lui pour l'approcher s'étaient toutes soldées par des échecs retentissants. « Rogue nous a mis en binôme la semaine dernière. Tu sais, pour la rédaction à rendre pour demain. »

Un devoir, quel devoir ? Néanmoins, voilà qui expliquait enfin l'attitude de la jeune fille. Car, il avait pu s'en rendre compte très tôt, une dissertation pas encore faite effrayait au moins autant Sybella Tyrell que l'évocation d'une certaine soirée et d'un certain lit. Ce qui l'étonnait davantage, c'était qu'elle vienne quand même lui demander son aide. Il n'était pas du genre à retenir quel élève était bon en quelle matière, et avait donc imaginé, en se retrouvant dans son binôme, qu'elle le ferait de son côté et se contenterait de mettre leurs noms côte à côte. Ce qui semblait déjà beaucoup. C'était sans compter sur son aversion légendaire pour les potions ... Et ça tombait surtout très mal, car il avait oublié jusqu'au sujet de leur rédaction. « Parce que tu vois, j'ai vraiment envie d'avoir mes ASPICs cette année. » Il grimaça à l'évocation de leur examens. Il ne faisait pour lui aucun doute que sa camarade les aurait tous haut la main ou presque. C'était aussi certain que son propre échec s'annonçant de plus en plus imminent. Mais depuis quand te soucies-tu d'une note sur un bout de papier, mmh ? Il n'en restait pas moins que Sybella ne lui laissait pas trop le choix. Et même si ses menaces ne le touchaient pas trop, il n'allait pas dire non au petit tête-à-tête qu'elle lui refusait obstinément depuis qu'ils avaient couché ensembles.

« Tu sais bien que je ne peux rien te refuser » acquiesça-t-il en se levant de son fauteuil - non sans une pointe de regret - et en la suivant dans les couloirs. Le malaise que sa formulation risquait de provoquer serait, disons, une petite vengeance pour son évocation des ASPICs. Il n'était pas si revanchard en temps normal, mais l'approche des examens devait le rendre un rien susceptible. A moins qu'il ne s'agisse simplement de la proximité des vacances et de la perspective de devoir retourner chez Selena s'il ne trouvait pas d'alternative d'ici là ?

Retour de karma, sans doute, mais son entrée dans la bibiothèque lui provoqua également un étrange malaise. Depuis quand n'y avait-il pas mis les pieds ? Probablement une petite éternité - il n'était pas sûr d'y être entré au cours de l'année écoulée. Les rares fois où il lui arrivait de bosser, il se débrouillait pour être installé confortablement et bien entouré. Là, tout était trop silencieux, trop étouffé, trop poussiéreux ... et surtout, trop studieux. Un Poufsouffle qui devait être en deuxième ou troisième année à tout casser le regarda avec des yeux ronds quand il s'installa sur une table face à Sybella. A croire que sa tête ne lui revenait pas, ou qu'il ne l'avait jamais vue - ce qui était probablement le cas s'il passait ses journées enfermé au milieu des livres comme une pauvre blatte. Galaad lui adressa un clin d'oeil assez prononcé pour lui faire piquer un fard, avant de reporter son attention sur sa camarade, qui venait (enfin) d'évoquer le sujet de leur dissertation.

« Hum. Une idée ? » Pas plus d'idées pour commencer leurs recherches que pour aborder le sujet épineux de leur relation dernièrement. Gal eut une grimace perplexe et appuya négligemment son dos contre son siège. « Tu ne t'es pas vraiment adressé à la bonne personne » fit-il d'un ton plus rieur que moqueur, espérant sans doute détendre un poil l'atmosphère. Ce qui était sans doute plus stratégique que d'entamer tout de suite en lui assurant qu'il ne considérait pas leur relation comme changée et qu'il ne balancerait rien à Lucas sur leur petite ... aventure. Surtout en plein milieu de la bibliothèque. Il soupira et fit un petit signe de tête vers les étagères croulant sous les livres. « Un illuminé ou deux ont bien dû écrire sur le sujet un jour. » Sinon je ne vois pas pourquoi on serait là, à part pour nous éviter de nous retrouver en tête-à-tête. Ne restait plus qu'à se mettre à chercher. Ô flemme. « Mais ma technique de recherche la plus simple, c'est toujours d'aller passer le cours de potions au bord du lac. » Il eut un petit sourire en s'imaginant Sybella Tyrell sécher un cours. Hilarant. « Une meilleure idée peut-être ? »

Pourquoi avait-elle fait ça ? Pourquoi avait-elle osé ? Pourquoi ne s'était-elle pas simplement contentée d'apposer le nom de Stomby à côté du sien et de rédiger sa copie seule dans son coin ? C'était autant d'interrogations qui restaient en suspens dans l'esprit de l'irlandaise. Sous son épaisse chevelure blonde, les inquiétudes bouillonnaient. Ce n'était pas qu'elle tenait à décrocher un Optimal, mais Sybella commençait de plus en plus à réaliser que son dossier « pas si étincelant que ça » risquait de lui fermer des portes. Et tout à coup, rien qu'à partir de l'angoisse de devoir quitter le cocon Poudlard, la Serpentarde avait décidé de faire de ce devoir débile une montagne.

Pas le candidat idéal pour un devoir. Ses lèvres eurent un soubresaut, donnant l'illusion curieuse d'un … sourire gêné. La plaisanterie de Galaad aurait-elle donc fonctionné ? Il y avait vraiment de la magie qui circulait jusque dans les veines du parquet de la bibliothèque, visiblement. « Je sais. » murmura t-elle brièvement. Sybella se reprit pourtant si vite qu'on aurait pu croire avoir rêvé, et toute trace d'hilarité timide avait disparu : son visage s'était refermé pour reprendre un air qu'elle souhaitait déterminé et surtout, fermé. Il ne fallait pas laisser croire qu'elle allait se détendre et accepter de laisser la discussion dériver vers quoi que ce soit d'autre que les potions. C'était vital. S'ils se déconcentraient, Syb' avait l'intuition prémonitoire qu'elle n'échapperait pas à certaines discussions très inconvenantes.

Ses joues s'empourprèrent à vitesse grand V alors qu'elle l'avait tout juste surpris à la regarder avec un air amusé. « Pourquoi tu souris ? » Le genre de petit rictus qui cache quelque chose, voilà exactement ce qui était apparu fugacement. Ca ne l'étonnait qu'à moitié qu'il parle de sécher un cours : on n'était que trop rarement honoré de la présence de Monsieur Galaad Stomby dans les salles de classe poudlardiennes. C'était peut-être une forme de phobie scolaire, inventaient pompeusement les filles les plus gourdes de leur année. La vraie réponse à tout, c'était la flemmardise mais Syb' n'avait franchement pas le cœur et la mentalité à vouloir changer un homme.

Dubitative, elle haussa un sourcil. « Le lac ? Je pense pas que le Calamar ait beaucoup de chose à dire sur notre sujet de dissertation, mais tu peux essayer d'aller voir oui. » … Une seconde, est-ce qu'il allait se lever pour prendre aussitôt ses jambes à son cou et fuir cette ambiance désastreuse de salle d'étude ? Sybella sembla aussitôt réaliser l'étendue possible du quiproquo et rajouta précipitamment, ses yeux bleus trahissant une certaine panique assez comique. « C'était une blague, hein. » L'irlandaise manquait vraiment d'humour, la faute au stress sans doute, mais elle n'avait pas vraiment la tête à jouer les clowns ambulants. Pour une fois, on aurait presque dit qu'elle avait peur qu'il s'en aille ! Et là il y avait de quoi rire quant à l'ironie de la chose, clairement.

De nouveau, le malaise revint au galop et Sybella reprit la main. Il ne savait pas, elle non plus : la seule option restante était de se plonger dans les bouquins jusqu'à ce que mort s'en suive, ou plutôt jusqu'à ce qu'ils aient de quoi faire une honorable page et passer à autre chose, définitivement. Sybella se sentait un peu étouffer, et elle n'avait pas vraiment décidé si c'était la bibliothèque en elle-même et son atmosphère solennelle ou le simple fait de regarder Galaad. « Bon eh bien ... on n'a plus qu'à chercher vite fait bien fait un livre là-dessus ! » Elle s'apprêtait à se lever mais suspendit son geste et observa le brun une seconde supplémentaire. « On. D'accord ? » Son regard s'attarda un peu trop sur le visage de Galaad avec une attention toute particulière, comme si elle cherchait à deviner à quel moment il allait cesser de se tenir aussi tranquille et sage. Tout cela était bien trop trompeur pour être vrai !

Syb' se redressa de sa chaise dans un mouvement si vif et volontaire que cette dernière racla bruyamment le sol : et autour d'eux, ce fut une pluie de « Shhht » agacés qui s'abattit sur leurs mines consternées. La population, composée aux trois quarts de Serdaigles, foutait franchement les pétoches. Sybella ne put s'empêcher de se mordre la lèvre pour s'empêcher de rire, échangeant par réflexe un coup d'oeil avec Galaad … Avant de faire volte-face et de se réfugier dans le rayonnage derrière elle, les pommettes si brûlantes qu'on aurait pu y faire des œufs au plat sans soucis.

Potions. Il fallait penser « Potions ».

Un sourire se fraya difficilement un chemin sur les lèvres de la blonde et, l'espace d'un instant, Galaad se plut à espérer que sa diversion avait marché. Qu'il arriverait à lui faire enfin oublier son malaise et à la faire parler pour de vrai. Mais … non. Le sourire avait disparu aussi vite qu'il était apparu. La Sybella Tyrell froide était de retour, concentrée sur un devoir de potions dont il se fichait comme de la couleur des sous-vêtements de sa grand-mère. « Pourquoi tu souris ? » Un rien décontenancé par la vitesse à laquelle les joues de la jeune fille se sont empourprées, il se contenta de hausser les épaules. Quoi, il la mettait aussi mal à l'aise ? Il ne s'en pensait même pas capable. Le pro pour ça, c'était habituellement Lucas … pas lui. Et s'il savait qu'elle n'avait pas toujours autant d'humour que lui, il ne pensait pas que quelques simples et innocentes remarques auraient cet effet sur elle. Penser à tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler … Teh, comme si j'en étais capable.

Il se retint donc de tout commentaire quand elle lui suggéra d'aller voir le calamar. Et même de lever les yeux au ciel – alors que franchement, ça le chatouillait. Trop sérieuse, décidément. Comment en étaient-ils arrivés à coucher ensembles, déjà ? Le whisky pur feu devait vraiment avoir un pouvoir qu'aucun filtre n'arriverait jamais à égaler. « C'était une blague, hein. » Non, sans rire ? Elle pouvait se rassurer, il ne comptait pas la planter si vite. Pas qu'il tenait à faire ce fameux devoir de potions – au contraire, même. Mais il ne la laisserait pas filer tant qu'ils n'auraient pas discuté un peu de ce qui s'était passé l'autre soir. Il en avait plus que marre de la voir s'éclipser à chaque fois qu'il passait une porte. « Relax. J'ai dis que je t'aiderais, je le ferai. » Mouais. Sauf qu'il avait autant envie de farfouiller dans cette bibliothèque remplie de Serdaigles affairés que d'aller chatouiller le saule cogneur avec une plume à papottes.

La chaise de Sybella racla bruyamment le sol lorsqu'elle se leva pour aller chercher dans les rayons quelque chose qui pourrait les tirer de l'embarras. Un bel enthousiasme qui ne fut apparemment pas du goût des autres élèves, arborant pour la plupart l'uniforme bleu – et définitivement trop bien repassé – de la maison Serdaigle. Galaad ne retint pas son rire. Et Sybella avait apparemment eut la même réaction puisqu'il la vit se mordre les lèvres et qu'elle lui jeta un rapide coup d’œil. Comme avant, songea-t-il non sans une certaine satisfaction. Mais ce moment de relâchement ne dura guère puisqu'elle s'échappa bien vite dans les rayons de la bibliothèque. Galaad se tint quelques instants devant ces derniers, et le simple fait de penser à aller chercher dans des manuels poussiéreux une réponse à leurs questions lui fila la migraine. Changement de plan.

Tournant les talons, il se dirigea vers la table d'un troisième année de Serdaigle plongé dans un traité apparemment passionnant et s'assit en face de lui. Celui-ci leva les yeux, croisa son regard et les rebaissa immédiatement sur son livre. Mais quand il s'agissait de s'éviter de travailler, Galaad était plutôt tenace. « Dis donc, toi. A ta tête tu dois connaître plus de la moitié de la bibliothèque par cœur. Je me trompe ? » A voir l'air un peu paniqué de l'élève, il comprit qu'il parlait peut-être un peu trop fort. Ah, ouais. Il n'avait pas l'habitude, aussi. Baissant d'un ton, il continua sur sa lancée. « Je cherche des livres sur eeh ... » Merde, c'était quoi le sujet, déjà ? Ah, oui. « Les effets des poisons issus de venins et leurs antidotes. Tu dois pouvoir me trouver ça, non ? » D'un geste vif, il se saisit du livre que le Serdaigle était en train de lire et le tint hors de sa portée. Non sans lui adresser un sourire plutôt clair. Trouve-moi ça rapidement, espèce de blatte.

Il s'appuya négligemment contre le dossier de sa chaise en regardant l'élève se lever précipitamment et s'éloigner dans les rayons de livres. Etre plus vieux avait cet avantage de lui accorder une certaine autorité. Bon, à vrai dire, il n'était pas trop du genre à en abuser, sa nature étant d'être plus protecteur que bizuteur d'élèves en bas âge. Mais si ça pouvait lui éviter de trop se creuser la tête sur son devoir … Gardant le livre du troisième année en main, il finit par se lever et partir à la recherche de Sybella – la seule bonne raison pour parcourir la bibliothèque, selon lui. « Alors, tu as trouvé des trucs ? » fit-il en arrivant silencieusement derrière elle.

Eloignée, Sybella parvint à refaire surface et à sérieusement se calmer. Ses nerfs avaient menacé de disjoncter pour des bêtises. Elle s'emballait pour rien ! Qu'est-ce que ça pouvait bien faire après tout ? Ils étaient deux – presque - adultes – presque – sensés et Galaad n'avait pas l'air de vouloir tirer avantage de la situation. Il se comportait comme s'il n'y avait absolument rien à cacher, rien de gênant entre eux. C'était peut-être elle qui en faisait de trop, elle qui se noyait dans un verre d'eau. Peut-être qu'elle se rongeait les sangs depuis des mois pour rien et qu'elle pouvait agir en toute quiétude sous le nez de Stomby. Peut-être même qu'il allait s'investir dans leur devoir et faire bonne figure pour qu'ils décrochent une note potable ! Sa conscience, qui commençait à ressentir une atmosphère un peu trop optimiste, préféra diminuer sensiblement les attentes intérieures de la Serpentarde en lui rappelant par quelques souvenirs juteux que sa mémoire, elle, était à jamais marquée de ce matin de honte où elle s'était réveillée en soutien-gorge dans un espace beaucoup trop restreint avec le meilleur ami de son homme idéal, et un mal de crâne insupportable entre les tempes.

A bien y repenser, Sybella n'en avait jamais parlé à personne. Pas même à Gaya – qui ne l'aurait certainement pas mal jugée, pensait-elle –. Elle n'était pas fière de ses agissements. Trop terrorisée par le poids des mots, avouer son méfait donnait plus de corps à la chose, et elle avait envie d'oublier ça. Pas que c'eut été désagréable, bien au contraire … Erhm. Peu importait, elle avait peur, peur de ce que Lucas ou les autres auraient pu penser d'elle : d'accord miss Tyrel n'avait pas une auréole sur la tête mais quand même. Elle n'avait jamais vraiment eu pour habitude de boire, au risque d'être désinhibée et d'avoir une conduite un peu trop relâchée éloignée de l'image qu'elle tenait à préserver envers et contre tout.

Et puis en plus de laisser planer une certaine culpabilité sur ses épaules, la jeune fille s'en voulait un peu d'avoir créé un malaise avec son camarade. Elle n'avait jamais eu de soucis avec Galaad avant « ça ». C'était un de ses camarades, un Serpentard et il faisait partie de son entourage. La septième année condamnait fermement le whisky-pur-feu, coupable d'avoir creusé un fossé entre eux : ils auraient pu très bien s'entendre si … Si tout ceci n'avait pas eu lieu. Au moins Galaad avait eu le tact de ne pas chercher à remettre ça, mais ça ne l'avait pas empêché d'avoir déjà essayé en vain de lui parler quand ils se retrouvaient accidentellement dans la même pièce.

La blonde sursauta quand elle entendit la voix de son compère dans son dos. Merde, l'irlandaise ne l'avait pas vu venir ! Elle regarda le rayonnage devant elle, puis ses mains vides, et afficha une mine franchement peu réjouie. Inutile d'aller baragouiner des excuses rocambolesques, elle avait passé dix minutes à fixer les étagères sans rien chercher. Sa tête était ailleurs. « Euh … Bah en fait non. » confessa t-elle. Par Merlin, même Galaad avait un bouquin entre ses paumes. Syb', fais un effort ! « Et toi, tu - » Le passage en coup de vent d'un troisième année bleu et bronze suivi de près par le regard attentif du Serpentard la fit très vite comprendre que son camarade avait dégoté la solution de facilité par excellence. Les aiglons étaient de si bons limiers, autant les laisser faire tout le boulot à leur place ! En plus ils avaient pour eux leurs valeurs si admirables de sérieux et de persévérance … « Ah. Je vois. » Et puis la menace de Galaad faisait carburer l'élève, bien que sous l’œil de Sybella, celui-ci ralentit légèrement et l'observa avec appréhension. « Quoi ? Tu veux notre photo ? La recherche va pas se faire toute seule ! » objecta la jeune fille au troisième année d'un ton courroucé. « Tu nous les ramèneras quand tu estimeras que t'en auras assez pour faire une dissert' convenable. Alors estime bien, d'accord ? » Sa voix mielleuse et son attitude de petite princesse douceâtre étaient très vite revenues. Chassez le naturel il revenait au galop : Sybella Tyrel dans toute sa splendeur.

N'ayant plus rien d'autre à faire que de patiemment contempler les autres s'agiter pour eux, Syb' quitta du regard le Serdaigle pour regarder Galaad. Le calme était revenu et les hésitations également : quoi dire, quoi faire maintenant ? Il semblait que son comparse irlandaise attendait quelque chose de précis. La blonde tenta quelque chose. « Sinon toi, euh … Ca va ? » Elle n'allait tout de même pas lui demander s'il stressait pour les examens à venir ; autant demander à Justin Finch-Fletchley s'il voulait qu'elle lui fasse un câlin.

Sybella sursauta quand il s'adressa à elle. Ah. Oui. Il avait déjà oublié que s'il ne se surveillait pas un minimum, elle grimpait aux rideaux en moins de temps qu'il ne lui en fallait pour monter sur un balais. Il retint une grimace à cette pensée. Ce n'était vraiment pas son style de réfléchir à ce qu'il faisait. Il arrivait, il parlait, il agissait. Aucune de ces étapes ne passait par un questionnement intérieur. Il laissait cela aux gens plus subtils, plus cérébraux ou plus torturés que lui. Comme la majorité des Serdaigles, par exemple. Parlant de ça, Sybella ne semblait pas, de son côté, avoir trouvé le moindre bouquin sur lequel baser leurs recherches. Il fronça légèrement les sourcils. Pas qu'il s'inquiétait de leur dissertation – surtout qu'un certain troisième année était en train de s'occuper de ça pour eux – mais ça ne ressemblait guère à Tyrell d'avoir l'esprit ailleurs que dans son boulot. Pas un instant il ne songea que c'était lui qui pouvait avoir cet effet-là, cependant. La faire simplement sursauter lui paraissait déjà presque incroyable.

Ses pensées furent interrompues par le passage sous leurs yeux de sa temporelle victime, qui sembla hésiter. Quoi, il ne s'attendait pas à le trouver en train de discuter avec une fille ? Ne l'avait-il jamais croisé ? Ce n'était pas impossible cela dit, s'il avait passé les trois années précédentes enfermé dans la bibliothèque avec autant d'assiduité qu'en ce jour. Sybella ne tarda pas à le rappeler à l'ordre, arrachant un sourire à son camarade. Acide et mielleuse à la fois, elle était mille fois meilleure que lui quand il s'agissait de terroriser un autre élève. Le départ du Serdaigle laissa cependant un blanc un rien gênant que Galaad, encore conscient qu'il devait surveiller ses paroles, ne sut trop comment combler. Certes, il se considérait lui-même comme tout à fait sociable, bavard … bref, à l'aise en compagnie des autres. Mais qu'on lui demande un peu de réfléchir, et il n'y avait plus personne. Syb le tira cependant de l'embarras en demandant d'elle-même : « Sinon toi, euh … Ca va ? »

Galaad ne put s'empêcher de hausser légèrement les sourcils. Sybella Tyrell, lui demander si ça allait ? Alors qu'elle avait passé les dernières semaines à l'éviter avec un soin plus que maniaque ? Voilà qui était plus qu'inattendu. Si bien qu'il resta quelques instants muet, simplement parce que la situation était si inespérée que plus rien ne lui venait à l'esprit. A sa décharge, si on lui avait dis plus tôt dans la journée qu'il se retrouverait entre deux rangées de livres à discuter avec elle, il aurait sans aucun doute éclaté de rire. Il ne tarda toutefois pas à rompre le silence – pas la peine de la gêner encore plus en le laissant s'éterniser. « Ca irait mieux si la fin de l'année n'était pas si proche. » Il ponctua sa réponse d'un haussement d'épaules désabusé. Eh oui, Galaad-le-flemmard-en-chef n'était pas un grand fan des vacances d'été. Déjà parce qu'elles signifiaient qu'il fallait tout d'abord passer des examens, donc bosser et potentiellement redoubler. Mais surtout parce qu'il allait devoir passer deux mois à éviter soigneusement sa sœur, donc squatter où il le pouvait … Sans que son succès ne soit garantit, loin de là. D'ailleurs, Antinea lui avait signalé que Selena semblait bien décidée à le coincer cet été, ce qui avait sans doute à voir avec les ASPICs qu'il était supposé ramener à la maison, et à son orientation future. Cette bonne blague.

« Et toi, dis-moi ? Comment tu vas ? On a pas eu beaucoup l'occasion de discuter ces derniers temps »ajouta-t-il pour ne pas s'attarder sur le sujet des vacances d'été. Et son sourire malicieux se suffisait à lui-même pour que Sybella comprenne qu'il faisait allusion à son impérieux besoin de l'éviter ces derniers temps. Mais il se mordit aussitôt l'intérieur des joues en se maudissant intérieurement. Surveiller ses paroles, hein ? Encore bien joué, Stomby. Le Serdaigle n'attendait cependant que de le sortir de l'embarras, puisqu'il débarqua à peine une seconde plus tard, à moitié caché derrière une énorme pile de livre. Sans lui laisser le temps d'en placer une, Galaad sauta sur l'occasion et lui montra la table sur laquelle ils avaient posé leurs affaires. Il s'engagea à sa suite sans attendre, espérant que Sybella ferait de même – la dissertation passait avant tout, non ? Lorsqu'il s'assit à nouveau dans sa chaise, il ne pu retenir un soupir. La pile de livres semblait le défier du regard. Il aurait dû dire à leur souffre-douleur d'écrire leur devoir, tant qu'il y était. Dommage qu'il n'ait été qu'en troisième année. Vite, détourner l'attention du boulot monstrueux qui les attendait. « Et donc, tu disais ? » fit-il à l'adresse de sa partenaire.

Le sourcil droit de la blonde s'arqua à l'entente de sa réponse. « T'as pas envie de partir d'ici ? » l'interrogea t-elle, un poil surprise par ce qu'elle entendait de la bouche de Galaad. Elle ne le connaissait pas si bien que ça, mais quand même, de la part d'un garçon qui avait dix-neuf ans, un poil dans la main bien trop développé pour le monde scolaire et sans doute des tas d'autres endroits plus drôles où aller, l'irlandaise demeurait sceptique. « Je trouve que sept ans c'est déjà assez comme ça alors huit coincé avec tous ces cinglés. » La fin de sa phrase se mua dans un chuchotis, parce que tout de même, ils n'étaient pas en terrain favorable pour se moquer ouvertement des autres, mais qu'en même temps Sybella était bien trop remontée contre l'imbécilité générale de la population Poudlardienne pour se taire et courber l'échine.

Elle n'eut néanmoins pas vraiment l'occasion de parler plus en détails des innombrables défauts qu'elle trouvait à chaque élève présent dans la pièce car Galaad s'attarda sur son propre cas avec une attention trop particulière pour ne pas être intéressée. La septième année se garda bien de montrer une fois de plus qu'elle n'était absolument pas dans de bonnes dispositions pour faire comme si de rien n'était aussi facilement, et sa voix partit dans une inflexion aiguë un peu trop vive et maladroite. « Moi ? Ca va, ça va très bien, oui tout va bien. Aucun problème. Tout roule ! » Et c'est pour cela que, tout naturellement et avec une spontanéité digne d'un robot moldu, Sybella insista cinq fois de suite sur le fait qu'elle était en pleine forme. N'importe quelle personne saine d'esprit et en relativement correcte santé n'aurait pas fait quelque chose d'aussi suspect et exagéré, mais soit. Et puis par tous les Kraken, s'il pouvait arrêter de sourire comme ça, les choses seraient mille fois plus simples ! Elle se racla la gorge, se prenant d'un intérêt vif et soudain pour l'étagère face à elle. « Hum. »

Leur Serdaigle d'esclave débarqua en sauveur – surtout aux yeux de la jeune fille à cet instant précis – pour leur signifier timidement qu'il avait tout ce qui leur fallait pour concevoir une rédaction digne d'une bonne note. Elle suivit les deux élèves sans engouement mais néanmoins pressée d'en finir. Le silence lui permit de réfléchir pendant une dizaine de secondes à comment embrayer sur la suite des hostilités car Stomby n'avait pas parlé injustement, bien au contraire. Il voulait remettre ça sur le tapis, c'était obligé. Une sensation soudaine de froid envahit son estomac, et elle songea avec certitude qu'elle devait avoir un teint drôlement pâle et livide au vu du coup d'oeil inquiet que lui jeta le Serdaigle avant de s'éloigner.

Syb' se laissa choir sur la chaise et croisa ses jambes, ses bras, bref, tout ce qu'elle pouvait croiser, donnant l'impression de se protéger physiquement d'une menace future. La jeune fille mit un certain temps avant de répondre à son homologue vert et argent, pesant chaque syllabe avec une prudence digne d'un démineur en plein travail. « Je … Disais que ça allait, et que c'est vrai que ça faisait longtemps qu'on avait pas parlé. » Le sujet était épineux et plus Sybella prononçait ces mots, plus elle se sentait dériver vers une pente aussi glissante qu'une baignoire enduite de savon. Incapable de se redresser dignement sans s'effondrer gauchement la seconde d'après. « C'est comme ça, Poudlard paraît si petit, et au final on a jamais le temps de rien, même d'une discussion, c'est fou ça, hein. » Tais-toi, Syb'. T'es méchamment en train de t'enfoncer dans une mélasse de fausses excuses qui ne tiennent pas debout. Dans le rôle de la fille la moins convaincante dans son mensonge, je nomme Sybella Maitilde Tyrel. La blonde attrapa le livre le plus haut sur la pile et le cala devant elle, l'ouvrant pour le feuilleter et le contempler sans le lire. Non seulement ça lui occupait les mains et l'esprit, mais ça lui donnait une raison de ne pas parler. Parce que qu'est-ce qu'elle aurait pu lui dire sans qu'elle ne perde les pédales, sincèrement ? Oui c'est vrai que je t'esquive parce que tu vois, moi, j'ai pas vraiment l'habitude de m'envoyer en l'air bourrée avec n'importe quel garçon, excuse-moi de ne pas être aussi spontanée ! ? A coup sûr, elle l'aurait vexé et il se serait demandé si Syb' n'avait pas des antécédants de nonne dans une vie antérieure. « On aurait du demander au Serdaigle de la faire, cette dissert'. » bougonna t-elle à sa propre intention, oubliant un peu trop vite que Galaad n'avait pas perdu de son ouïe et avait sans aucun doute du capter l'amer regret de la blonde. C'est du sérieux, Sybella !

Poussant un soupir, elle tourna une page, les yeux rivés sur la fine écriture noircissant chaque page de l'épais ouvrage. « Enfin tu vois, le hasard a fait le boulot pour nous, grâce aux cours, on discute. » Merci pour la constatation, Tyrel. On n'avait pas remarqué.

... Une muraille. Il était face à une muraille. Et même lui qui n'était pas un pro du langage corporel pouvait se sentir presque physiquement rejeté par les bras croisés et l'air fermé de Sybella. Un pas en avant, dix pas en arrière. Un léger soupir franchit le barrière de ses lèvres. Il serait mort avant de reconnaître que c'était de sa faute si elle le repoussait comme cela, qu'il n'avait qu'à être un peu plus malin et subtil s'il voulait qu'elle se détende. Mais il n'était pas buté au point de rejeter la faute sur elle. Dans le silence qui s'étirait, il ouvrit le premier bouquin de la pile d'un air sans doute un peu trop emporté, qui lui attira au moins deux regards réprobateurs d'une table voisine. Il leva les yeux en seule réponse. C'est bon quoi, il n'allait pas les brûler leurs précieux livres, non plus – et pourtant, ce n'était pas l'envie qui lui en manquait ! « Je … Disais que ça allait, et que c'est vrai que ça faisait longtemps qu'on avait pas parlé. » La voix de Syb le tira de sa contemplation de la page de garde sur laquelle il n'avait jeté qu'un regard bien vide.

« C'est comme ça, Poudlard paraît si petit, et au final on a jamais le temps de rien, même d'une discussion, c'est fou ça, hein. » Mais bien sûr. C'était d'ailleurs un bien triste hasard si elle tournait les talons à chaque fois qu'ils se trouvaient dans le même escalier et qu'elle semblait disparaître comme par magie dès lors qu'il entrait dans la même pièce qu'elle. Malgré toutes ses promesses de ne plus la mettre mal à l'aise, c'était là une provocation à laquelle Galaad ne pouvait que répondre. Car oui, il n'aimait pas qu'on le prenne pour plus bête qu'il ne l'était déjà. « C'est fou, oui. Tu dois être sacrément occupée, toi. » Oui, bon, c'était bas et même pas très malin. Mais il avait depuis bien longtemps passé le stade où il pouvait revenir sur ses mots – ou pire, les regretter. Du moins, en théorie. Tout comme elle, il s'enferma dans un silence un rien maussade, les yeux à nouveau fixés sur la page de garde de son livre. Ses pensées revinrent à leur Serdaigle sauveur – ou larbin, ça dépendait sans doute du point de vue. Il avait accompli sa tâche avec une telle rapidité et une efficacité si admirable …

« On aurait du demander au Serdaigle de la faire, cette dissert' » fit Sybella en un parfait écho de ses pensées. Comme quoi, même elle pouvait être flemmarde – n'était-ce pas un scoop ? Mais elle avait raison : lui-même avait autant d'envie de travailler que d'aller se pendre. Il allait rebondir sur ce qu'elle avait suggéré pour relancer leur discussion, peut-être aussi retrouver leur victime du jour et la faire bosser à leur place, quand la dernière remarque de la blonde le stoppa en plein mouvement. « On discute ? » releva-t-il d'un ton beaucoup trop moqueur, avant même d'avoir pu s'en empêcher. Il se mordit aussitôt les lèvres, un air coupable plutôt familier se peignant petit à petit sur ses traits. Il hésita un instant sur la conduite à tenir, puis décida de faire comme souvent, et d'arrêter de réfléchir. Après tout, la plupart du temps, ça lui réussissait plutôt bien … Non ?

« Bon, écoute Syb, je sais bien que tu m'évites depuis … l'autre soir. Je ne suis pas stupide » fit-il en se penchant légèrement vers elle et baissant la voix tout au long de sa tirade. Il songea un instant que la précision sur son niveau d'intelligence n'était probablement pas de trop. A sa décharge, elle était loin d'être la seule de l'école à le prendre pour un attardé. Elle n'avait qu'à rejoindre la longue file des profs, de la majorité des Serdaigles - et de la bande de Finch-Fletchey bien sûr. « Je ne comprends juste pas pourquoi. Je ne compte pas m'en vanter devant qui que ce soit, tu sais. Je ne l'ai jamais fait. » Une chance pour lui, sans doute, car son tableau de chasse aurait probablement refroidi tout volontaire. Il se retourna s'appuyer contre le dossier de sa chaise, refermant au passage le livre qui le narguait depuis un bon moment. Peut-être avait-il attaqué un peu fort ? Il ne s'était pas trop imaginé aborder le sujet tant redouté avec Sybella, pour la bonne et simple raison que le simple fait d'aller lui parler paraissait une épreuve insurmontable. Mais s'il l'avait fait, aurait-il prévu une approche aussi frontale ? Sans doute pas.

Trouver un autre sujet de discussion lui parut soudain vital. Et pour cause, il sentait qu'il risquait fort de perdre pied et de se noyer dans le terrain marécageux que constituait leur petit … dérapage. Songeant à ce dont ils parlaient auparavant, dans les rayons de la bibliothèque, il se remémora sa réponse concernant la fin de l'année. Ce n'étaient même pas huit mais bien neuf années qu'il avait passées à Poudlard et s'il était effectivement pressé d'être débarrassé des cours ou de la pression des examens, il s'imaginait difficilement hors des murs du château. Mais comment expliquer cela à quelqu'un comme Sybella Tyrell, si sure d'elle, si fixée sur son avenir proche ? Une fois sorti, lui n'aurait aucune idée d'où aller. Selena lui tomberait dessus comme un fauve sur sa proie, et après quoi ? Serait-il obligé de suivre ses moindres exigences ? C'était fort possible. Mais c'étaient là des points bien trop personnels et sensibles pour qu'il évoque devant elle, surtout en plein milieu de la bibliothèque. Alors il se referma dans un silence gêné et vaguement coupable, attendant qu'elle prenne l'initiative de la parole.

Elle ne releva pas son sarcasme, pourtant tout son être la trahissait alors qu'elle avait une furieuse envie de répliquer quelque chose. Une remarque acerbe, un petit ton bien senti, une pique magistrale, mais rien ne lui vint à l'esprit, ou en tout cas rien qui ne put frapper les esprits au point de faire taire Galaad. Alors en guise de soumission, le silence fut imposé à la Serpentarde, qui sentait le stress fourmiller jusque dans ses doigts. Elle en avait même du mal à tourner la page sans s'y reprendre à deux fois.

Son petit numéro d'innocente demoiselle qui ne voyait rien d'anormal nulle part fut un échec total aux yeux du septième année. Car plutôt que de l'apaiser et de l'installer dans de confortables certitudes du type « je n'ai plus à me soucier de Sybella Tyrel », les radars du jeune homme avaient tout l'air de s'alerter et il commençait de plus en plus à se faire sentir moqueur et un poil agressif. Il ne gobait en rien ses couleuvres, et Syb' percevait, impuissante, le contrôle de la situation lui échapper à vitesse grand V. « Ben … Oui ? » murmura l'irlandaise avec une hésitation peu convaincante devant le scepticisme du brun, qui finit par déterrer pour de bon leur vieux secret poussiéreux jusqu'alors suffisamment bien caché comme ça.

Les yeux bleus de la jeune fille s'agrandirent, comme déformés par la crainte qu'une oreille encore plus curieuse que la sienne les écoute. Sybella ne pouvait pas signifier à son camarade de parler moins fort, l'attitude serait passée pour encore plus suspecte qu'elle ne l'était. Néanmoins cela ne l'empêcha pas de s'agiter sur sa chaise avec fébrilité, ne cessant de remettre en place un bout de sa jupe ou de glisser une mèche de cheveux derrière son oreille, tandis que son nez piquait droit vers le livre qu'elle ne lisait en réalité même pas. « Je vois pas de quoi tu parles. » Ouh le vilain, très vilain mensonge. Et pas crédible avec tout ça. Pourtant son esprit n'avait aucun mal à ingurgiter ce que lui disait Galaad. Il n'était pas idiot, non ; c'était elle, Syb', l'idiote de l'histoire : bête d'avoir pensé que le Serpentard pouvait ne pas remarquer ses airs fuyants, stupide d'imaginer que le garçon puisse se contenter d'un comportement aussi énigmatique sans chercher à comprendre pourquoi. Et surtout, surtout, ridicule de croire qu'il ne finirait pas par avoir ce qu'il voulait.

Affolée par ses questions, la septième année avait la même tête qu'un poisson qui manquait d'air dans son bocal. Il lui fallut rassembler les maigres miettes de courage qui s'étaient égarées quelque part dans les abysses de sa conscience pour prendre la parole d'une voix si basse et tatillonne que personne d'autre à part eux deux ne l'aurait entendue. « C'est juste que je … » Ses iris claires refusaient de regarder Galaad ; il n'y avait pas encore assez d'aplomb en elle pour ça. « Ecoute. C'était .. » Un accident ? Ca, ils le savaient. Mais elle ne pouvait pas lui dire ça. C'était odieux et après tout, elle avait décidé de tout ce qui lui était arrivé. Ivre ou pas. « C'est pas vraiment mon style d'agir comme ça. Sans penser aux conséquences, je veux dire. Ca me ressemble pas. » Sa main passa nerveusement dans son cuir chevelu, alors que Sybella soufflait, un poil désemparée. « Salazar, ce que c'est compliqué. »

Son regard se redressa subitement. Ca y est. Quelque part en elle, un interrupteur, certes minuscule mais présent, s'était enclenché. « J'ai rien contre toi. Je suis même sûre qu'on s'entendrait bien, si, tu vois, il n'y avait pas .. Bref. Simplement je crois que j'ai l'impression de m'être trahie en faisant ce que j'ai fait. » Elle rajouta, par acquis de conscience. « Sans vouloir te vexer. » Avant de continuer ses explications hasardeuses mais sincères. « Du coup, quand je te vois, le seul truc qui me vient en tête c'est - » Deux élèves passèrent, et Sybella se tut avant de reprendre, le rouge montant timidement à ses joues. « C'est ça. Ca et le fait que tu puisses tout dire à d'autres personnes. »

Elle était foutrement incapable de dire à Galaad Stomby que le véritable problème, c'était qu'elle s'était envoyée en l'air avec lui et pas un autre. Si ça avait été n'importe quel autre garçon de Serpentard – ou presque -, elle ne s'en serait pas tant formalisée. Mais Galaad était jusqu'aux dernières nouvelles le meilleur ami de Lucas, son Lucas, ou plutôt le blondinet abonné absent à la gueule d'ange qu'elle adulait depuis des années. On ne pouvait pas exiger d'elle qu'elle soit franche jusqu'à clamer haut et fort « J'aime Lucas Drifloon ! » au beau milieu d'une bibliothèque. Alors oui, il manquait une partie du puzzle à Galaad. Mais comme il l'avait dit, il n'était pas stupide. Syb' espérait qu'il comprenne sans trop insister, ou qu'il fasse l'association d'idées tout seul.

Sybella avait malgré tout la cruelle sensation de ne pas voir la fin du tunnel à ses confessions.

Cette fois, c'était officiel, Sybella était définitivement mal à l'aise. Sans doute même pire que ça, car il pouvait la voir se tortiller sur sa chaise au fur et à mesure de sa tirade. A croire qu'elle était assise sur un scroutt à pétard. Mais il était trop tard pour revenir sur ses paroles et, après tout, ce n'était pas vraiment sa faute non ? Elle l'avait suffisamment cherché, à passer son temps à nier comme ça ... Il ignora les deux étudiants de la table la plus proche qui, fatigués par ce qu'ils devaient considérer comme une scène de ménage, rassemblaient leurs affaires et allaient s'installer dans un coin plus tranquille. Qu'ils aillent donc s'enterrer sous un meuble comme les bonnes blattes qu'ils étaient ; Galaad n'avaient d'yeux que pour Sybella, et attendait avec impatience d'entendre sa réponse. Il ne voulait plus d'esquive. Mais une réponse, une vraie.

Et, après son lot de regards de travers et d'hésitations, celle-ci finit par venir. C'était ... un accident ? Une erreur ? Un mélange des deux ? Redevenu plus calme et, surtout, plus patient, Galaad attendit silencieusement que la blonde développe sa pensée. « C'est pas vraiment mon style d'agir comme ça. Sans penser aux conséquences, je veux dire. Ca me ressemble pas. » Galaad ne pouvait qu'approuver. Lui-même avait été assez surpris par son comportement. Pas sur le moment, bien sûr, l'alcool notamment ayant tendance à supprimer toute réflexion ... mais le lendemain matin, il n'avait qu'être vaguement étonné de la trouver endormie à ses côtés, en chair et en os. Cela dit, l'explication semblait encore loin d'être finie. Il eut un hochement de tête encourageant, mais ne dit toujours rien, histoire de ne pas l'interrompre alors qu'elle était si bien partie. Car oui, comme elle le suggérait elle-même, ça avait l'air ... compliqué. Et typiquement féminin.

« J'ai rien contre toi. Je suis même sûre qu'on s'entendrait bien, si, tu vois, il n'y avait pas .. Bref. Simplement je crois que j'ai l'impression de m'être trahie en faisant ce que j'ai fait. » Well, il lui en fallait plus pour se vexer - après tout, un certain Justin l'avait déjà entraîné à tout entendre. Il était surtout soulagé de savoir qu'il n'avait rien fait de grave - en plus d'avoir couché avec elle bien sûr - et dont il n'aurait pas eu conscience. Ça aurait pu arriver, après tout. Entre les fêtes trop arrosées et sa tendance naturelle à mettre les pieds dans le plat ... Toujours silencieux, Galaad l'écouta terminer son explication, son regard fixé dans le sien en quête de sincérité. Une quête bien récompensée, car il avait la certitude de ne lire rien d'autre dans ses iris clairs que la pure vérité.

Ce qui ne voulait pas forcément dire qu'il la comprenait. Pour Gal, rien n'avait de conséquence. Il pouvait bien coucher de droite à gauche, rater ses examens, se prendre une cuite mémorable ... le monde continuait de tourner. Immuable. Si ses relations avec quelqu'un après avoir fini dans le même lit changeaient, ce n'était jamais de son fait. Pour lui, tout restait identique, et comme il traitait les gens de la même manière qu'auparavant, il attendait tout naturellement qu'on en fasse de même envers lui. Avec un léger soupir, il se passa une main sur le visage, avant de mordiller pensivement l'intérieur de ses joues, à la recherche d'une manière d'expliquer cela à Sybella. La rhétorique et lui, ça faisait définitivement douze ... « Je te l'ai dis, je ne suis pas du genre à hurler ce ... genre de choses sur tous les toits. Et tu aurais des surprises, si je le faisais » ajouta-t-il avec un sourire. Il pensait tout particulièrement à une autre blonde, qui n'aurait d'ailleurs guère aimé apprendre qu'il avait couché avec sa meilleure amie.

Il aurait cependant fallu plus qu'un dessin pour comprendre que c'était à propos de Lucas que Sybella s'inquiétait le plus. A sa décharge, ce dernier avait quitté jusqu'à Poudlard, mais avait aussi tendance à être de plus en plus souvent aux abonnés absents. Et puis zut, quoi, il ne se souvenait pas de l'identité de toutes ses groupies et autres fangirls. A l'époque où ils étudiaient encore ensembles, il les collectionnait. Voilà pourquoi Galaad n'avait aucune autre intention que celle de détendre l'atmosphère quand il rajouta : « Puis tu sais, m'éviter comme ça, c'était sans doute pas la meilleure manière de me faire taire. J'aurais très bien pu aller me confier à quelqu'un pour avoir des conseils. » Il eut un sourire rieur, mais crut tout de même bon de rajouter : « ... Ce que je n'ai pas fais, hein. »

Il bascula sa tête en arrière, contemplant le plafond quelques instants. Moui. Pas sûr que sa parole vaille quoi que ce soit aux yeux de Tyrell. Pourtant, même elle devait se douter que son tableau de chasse comptait bien plus de tête que celles connues par le commun des élèves ... Ou pas, en fait. Elle avait beau se la jouer peste, Sybella gardait un côté presque naïf, à ses yeux. Ce qui faisait partie des choses qu'il aimait bien chez elle. Reprenant une position plus conventionnelle, il planta son regard dans le sien, l'air anormalement ... sérieux. « Je sais que je donne l'impression de n'accorder aucune importance à tout ça - et c'est le cas, en fait. Mais ce dont je suis conscient, c'est que tout ne doit pas être dis, et pas à tout le monde. Je ne suis pas si bavard. » Sauf quand j'ai bu. Mais il se garda bien de le préciser.

Ca y est. Elle avait lâché ce qu'elle avait sur le cœur. Étrangement, si dans l'attente de la réaction de son interlocuteur, elle avait toujours cet étrange et impalpable nœud dans le ventre et une chape de plomb sur les épaules, l'attitude de Stomby la désarçonna. Pas une moquerie, pas un refus, pas même une once de chantage : elle qui s'était fait une montagne d'une minuscule souris captait même une part de soulagement à travers les mots et le regard du Serpentard. Aussi l'écouta t-elle religieusement.

« Je l'ignorais, Galaad. » avoua la danseuse d'un ton parfaitement honnête. Elle s'était imaginée tellement de scénarii dramatiques, tirés par les cheveux et à la hauteur de sa paranoïa qu'au fond, avec un peu de réflexion et d'observation, Syb' aurait peut-être pu déduire seule que Galaad ne ressemblait pas tant à une bombe à retardement. « Des surprises ? » ajouta t-elle néanmoins avec une pointe de curiosité dans la voix. Elle avait bien du mal à imaginer quelle surprise lui sauterait à la figure si tout Poudlard apprenait leur petite aventure éphémère … Enfin, pour elle, c'était son monde magique et imaginaire avec Drifloon qui s'écroulait. La septième année n'avait aucune sorte d'idée sur ce que ça aurait pu faire aux autres. Ou même à ses amies les plus proches. En fait, elle aurait sûrement bien eu du mal à concevoir quel genre de dommages collatéraux elle aurait pu naïvement provoquer chez, par exemple, Gaya. Après tout, qu'est-ce que sa meilleure amie en aurait bien eu à fiche ?

La blonde secoua doucement sa tête en haussant les épaules, l'air légèrement désemparé face aux récriminations de son compère. « Je sais, c'est débile mais le bon sens n'est pas inné chez tout le monde ! » Surtout quand c'était la panique à bord qui s'exprimait. Elle grimaça une sorte de sourire un peu honteux avant de rajouter en guise d'explication légèrement déroutante pour quelqu'un comme elle. « Tu vois, ce que les gens disent de moi n'est pas forcément faux : je ne suis pas une personne très … courageuse. » Le moins qu'on puisse dire c'est qu'en sept ans de cohabitation, Sybella devait être plus franche avec Galaad qu'elle ne l'avait jamais été avec l'entièreté de ses camarades. La pression mise par le septième année avait du bon sur elle. Cela dit, il était sans doute encore un chouïa trop tôt de plaisanter sur ce sujet délicat, car si son camarade vert et argent avait bêtement envie de la faire rire, sa blague fut accueillie un peu froidement puisque Sybella pâlit légèrement à vue d'oeil avant de réaliser qu'il n'était pas sérieux. « Ne me fais pas faire de crise de panique en pleine bibliothèque, merci. » s'autorisa t-elle néanmoins à dédramatiser un peu gauchement.

La jeune blonde l'écouta terminer son plaidoyer avec un peu moins de panique dans le regard que durant la précédente demi-heure. Galaad tenait sincèrement à faire preuve de bonne foi et à la rassurer sur sa discrétion. Qu'à cela ne tienne, s'il voulait qu'elle soit entièrement convaincue, il allait tout simplement lui donner sa parole. C'était une demande équitable et justifiée à son goût. « Alors faisons comme ça. » Elle baissa un tout petit peu plus la voix et se pencha vers son camarade. Sans pour autant se rapprocher trop, parce que la jeune fille ne voulait pas créer une proximité qui fut trop louche ou suspecte pour les autres autour d'eux. Bien qu'un brin égocentrique, Syb' savait qu'il en fallait souvent bien peu pour alimenter les rumeurs. « Si tu es digne de confiance, je te demande de me promettre que tu ne le diras jamais à personne. Vraiment personne. » Ce qui incluait, à sa façon de le dire avec lenteur et insistance, chacun de ses amis et chaque membre de sa famille. Si elle n'avait pas recours aux menaces verbales sur ce qui pouvait lui arriver s'il la trahissait, le regard de l'irlandaise ainsi que sa réputation en matière de vengeance étaient explicites : Galaad Stomby pouvait prendre le risque de lui faire une promesse en l'air, mais c'était se pourrir tout seul ses prochaines années d'existence. « Comme ça, je – non, on – pourra tous passer à autre chose. » Et d'un coup d’œil, elle désigna leur copie blanche pour induire qu'ils pourraient aussi enfin penser à leur devoir et le boucler au plus vite !

« Parce qu'il y a quand même ce truc à rendre. » bouda Sybella, dont on sentait la motivation s'étioler un peu. « J'ai une idée. Je crois que je vais demander à Daphné de me filer sa copie. Après tout elle me doit bien une faveur. » se mit à réfléchir la diabolique demoiselle, une moue pensive sur le visage.

Galaad scrutait, non sans une certaine appréhension les réactions de sa camarade Serpentard. Sa franchise à lui serait-elle suffisante pour qu'elle le croie ? A voir son air soulagé, c'était sans doute le cas. Elle-meme répondit d'ailleurs par une honneté qui ne manqua pas de l'étonner. Sybella ne tentant ni de nier, ni de noyer le poisson ? Waw. Il avait vraiment du y aller fort. Il s'en serait meme enorgueillit, s'il avait été aussi imbu de lui-meme que certains de ses petits camarades - allez, Justin Finch-Fletchey, au pif. Il se garda bien cependant de répondre à la curiosité de la blonde, qui semblait vouloir en savoir plus sur les "surprises" qu'il avait évoqué. Il se contenta d'un simple haussement d'épaules un peu énigmatique. Elle ne voulait pas ses secrets éventés, alors il n'allait pas balancer les siens - et encore moins ceux des autres. Pas alors qu'il était sobre.

Son expression un peu fermée se fit néanmoins beaucoup plus rieuse quand Sybella évoqua son soi-disant bon-sens. Peut-etre n'en avait-elle pas des tonnes - il ne lui en appartenait pas d'en juger - mais s'il y avait une chose dont il était certain, c'était qu'elle avait toujours plus que lui ... Il ne prit toutefois pas la peine de le faire remarquer, et fut récompensé de son silence par une nouvelle confession. Bon, d'accord, il n'était absolument pas assez malin pour réaliser que Tyrell admettant devant lui qu'elle n'était "pas très courageuse" tenait du miracle. Mais il était quand meme sensible aux aveux de ce genre, et c'est pourquoi il ne tenta meme pas de se moquer, mais lui sourit d'un air encourageant.

Un « Alors faisons comme ça » scella leur accord. Du moins, c'est ce qu'il se plut à croire, l'espace de quelques instants. Un accord des deux cotés, et leur affaire était réglée. Mais non, Sybella avait beau se confier, plaisanter sur des éventuelles crises de panique en plein coeur de la bibliothèque, elle ne lui faisait toujours pas assez confiance pour en rester là. S'il n'était pas le premier à clamer que ce n'était jamais sa faute, sans doute aurait-il reconnu qu'il n'avait jamais rien fait pour se rendre digne de confiance. Et que c'était précisemment pour cela que la blonde lui demandait de promettre qu'il ne dirait jamais rien à personne. Galaad tenta de masquer sa moue un poil ennuyée et déçue, pour hausser les épaules comme si la demande était tout à fait naturelle. De toute façon, vu le regard franchement menaçant que Sybella lui jetait, il ne lui serait jamais venu à l'esprit de refuser. Avec un sourire un peu trop large pour etre totalement franc, il acquiesça et récita : « Je promets de n'en parler à vraiment personne. Rassurée ? »

Ce ne fut que grace à une remarque de sa camarade que leur devoir de potions se rappela alors à son bon souvenir. Mouii. Comment dire ? Si leur situation à eux-deux avait bien avancé, sa motivation concernant leur dissertation n'avait pas bougé - si ce n'est reculé. C'était à peine s'il se souvenait de l'énoncé exact du sujet. Il jeta un regard plus que maussade au tas de livres posé devant lui, et son expression ne s'éclaira que lorsque Sybella évoqua l'idée de faire faire leur devoir à une tierce personne. Voilà exactement quels étaient les mots qu'il voulait entendre ! Sans plus attendre, il se leva en repoussa si vivement sa chaise derrière lui que plusieurs Serdaigles sursautèrent et le fusillèrent du regard. « Daphné, ça sonne carrément parfait ! » lacha-t-il avec un sourire beaucoup plus naturel qu'auparavant. « J'imagine que tu m'en voudras pas si je file, du coup. » Il considérait qu'en termes de patience, il avait largement atteint sa limite en étant resté plus d'un quart d'heure dans la bibliothèque. La salle commune des Serpentards l'appelait à grands cris. « Essaye de penser à rajouter mon nom sur la copie » conclut-il avec un clin d'oeil.